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d’après son nouveau nom, et avec sa soumission celle de son armée, n’entraîna pas la pacification du Yunnan. Bien au contraire. Beaucoup d’anciens mineurs avaient contracté l’habitude de cette vie de combats et de pillage, et ne voulaient plus d’occupations paisibles; d’autres, des chefs rebelles, ne se montraient pas satisfaits de la position subalterne qui leur avait été faite dans l’armée impériale, enfin des montagnards, les Miao-tzu et les Man-tzu, neutres jusqu’ici, étaient, comme nous l’avons vu, descendus de leurs hauteurs et avaient coupé la seule route qui, depuis la fermeture des voies du Sud, conduisît au Yunnan. Comme ils vivaient largement de pillage, la fin de cette guerre ruinait leur industrie. Ces Man-tzu sont si peu connus qu’ils méritent une mention à part.

Les Man-tzu sont restés rebelles à toutes les tentatives faites par le gouvernement chinois pour les attirer à lui et les civiliser, — à sa manière, — et cependant, il y réussit ordinairement. Les Man-tzu vivent dispersés sur des hauteurs escarpées ; l’été, ils exploitent les forêts et cultivent des céréales, juste ce qui leur en faut pour vivre. L’hiver, ils s’adonnent à la chasse du daim musqué et du léopard. Une grande partie du musc apportée sur les marchés du Yunnan et du Szuchuan est vendue par ces sauvages. Au dire des Célestes qui les ont vus à l’œuvre, ils sont d’une adresse remarquable, surtout pour chasser le daim. Ils connaissent admirablement les habitudes de ce doux animal, le prennent avec des pièges ou le chassent avec des chiens. Les armes dont ils font usage sont des fusils chinois à mèche, longs de plus de 3 mètres et d’un très petit calibre; pour ajuster, ils se servent de la crosse qui est recourbée et n’épaulent pas. Livrés à eux-mêmes, vivant presque au jour le jour, ils logent pêle-mêle dans de misérables huttes avec les animaux domestiques qu’ils élèvent. Insoucians comme des sauvages, ils se trouvent en proie à une extrême misère lorsque la récolte est mauvaise ou détruite par les intempéries qui se font sentir vivement dans ces hautes régions. S’ils sont poussés hors de chez eux par la faim, ils descendent dans les plaines et prennent ce dont ils ont besoin, et même davantage. D’autres fois, ils suivent les crêtes des montagnes et vont se joindre aux tribus insoumises du Kuei-chou, qui ne reconnaissent pas non plus l’autorité chinoise. En se joignant aux Miao-tzu, ils interceptèrent les communications du Yunnan avec le Nord et pillèrent, tant que dura la guerre, tous les convois qui se trouvaient à leur portée.

Nous ne pouvons suivre jour par jour, année par année, les péripéties de cette longue lutte qui se termina dans le Yunnan, comme dans la Dzungarie et les autres provinces insurgées, par l’anéantissement des rebelles musulmans. Le nombre des villages