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prédicateurs, il est peut-être intéressant de faire remarquer qu’avant cette éclipse de la puissance de la Chine en Dzungarie, le christianisme avait fait son apparition dans cette dernière région vers le Ve siècle; il y avait été introduit par des missionnaires nestoriens. A son tour, l’islamisme, dès sa création, s’y répandit avec une rapidité qui ne fut nulle part égalée par des cultes rivaux. Quant au bouddhisme, qui lui aussi avait ses adeptes, il était en honneur dans ces contrées avant l’arrivée des missionnaires catholiques et musulmans.

La Dzungarie, dont on n’oubliera pas que le district de Kouldja fait partie, couverte des ruines sanglantes qu’y laissa Gengis-Khan, fut occupée, pendant le règne de ce conquérant et de ses successeurs, par trois tribus nomades de Kalmouks, parfaitement unies entre elles. Leur puissance devint considérable, et, jusqu’au XVIIe siècle et même pendant une partie du XVIIIe, ces tribus dominent sans conteste le pays, de l’Altaï au Thibet. À cette époque, la Chine, qui, comme aujourd’hui, se sentait exposée aux entreprises conquérantes des Occidentaux, dès qu’elle n’était plus maîtresse de la Dzungarie, tenta de recouvrer ce qu’elle avait perdu. Elle y réussit encore. Les Kalmouks furent en grande partie massacrés, ceux qui purent s’échapper se réfugièrent sur les bords du Volga, mais tels étaient les charmes qu’ils trouvaient à leur pays d’adoption, qu’ils y retournèrent quelques années après leur fuite. La Dzungarie fut ainsi encore une fois placée sous le joug des Célestes. On la partagea en sept districts. Celui de l’Ili, traité en vice-royauté, fut divisé en trois départemens qui prirent les noms barbares de Tarbagataï, Kourgara-Ousou et Ili ou Kouldja.

Le plus difficile n’était pas de créer des divisions territoriales, il fallait des familles d’agriculteurs pouvant remplacer celles qui avaient péri par le sabre. On en fit venir de partout, du Turkestan, de la Mantchourie, de la Chine même, sans s’inquiéter si la religion de ces émigrans, des mahométans pour la plupart, ne serait pas en opposition avec celle du pays où on les conduisait de force. On verra plus loin de quelle importance était pourtant la question religieuse, et quelles terribles complications devaient en résulter.


II.

C’est en 1862, presque de nos jours, après diverses tentatives de révolte aisément comprimées, que les mahométans Dounganes et Touranchis s’unirent aux révoltés du Yunnan, du Shen-si et du Kan-Su