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souverains par Napoléon Ier, les soldats heureux de Wou-ti se bornaient à administrer au nom de leur maître.

Il est permis de supposer que la domination chinoise n’était pas très sérieuse, puisque, dans l’année 627 de notre ère, un autre empereur de Chine, Taï-Tsoung, de la grande dynastie des Thang, dut envoyer une nouvelle armée pour affermir sa domination. Dès ce moment, toutes les vastes contrées situées entre la Chine et la Perse obéirent aux lois des fils du Ciel. Toutefois les Chinois, gens éminemment pratiques, ne se mêlèrent pas de l’administration intérieure des princes indigènes devenus après leurs défaites simplement vassaux de l’empire. Ceux-ci n’avaient d’autre obligation que celle d’envoyer de temps à autre des ambassades et des présens à Pékin, comme le font encore aujourd’hui les rois de Corée et d’Annam. De cette façon, — et c’est ce que nous voulions faire ressortir, — le commerce de la Chine avec les Occidentaux se trouvait sagement protégé et pouvait s’alimenter avec des contrées très éloignées du centre de l’empire.

Bien plus tard, en 661, le gouvernement chinois se décida à diviser de nouveau les pays occidentaux de l’Asie en huit départemens ou fou, et en soixante-seize arrondissemens ou tchéou. Ces pays étaient situés entre Kashgar et la mer Caspienne, et d’autres régions voisines. La Perse, qui ne doit plus s’en souvenir, y était si bien comprise que l’empereur chinois Koo-Tsoung nomma roi de ce royaume un prince du nom de Pi-lou-ssé. Combien nous sommes loin de ces temps-là!

Selon MM. Abel Rémusat, Grigorief et d’autres orientalistes, les contrées situées à l’ouest de l’Asie se trouvaient alors habitées par des Ouigours, tribu turque qui, descendue de l’Oural à une époque déjà fort ancienne, était venue se fixer sur les pentes est des Thian-chan. Ces Ouigours avaient une histoire, une littérature, et leur écriture donna plus tard naissance aux alphabets des Mongols, des Kalmouks et des Mantchous. Aujourd’hui, il serait bien difficile de retrouver les traces de cette race intéressante à tant de points de vue. Des savans affirment pourtant que les Dounganes dont nous aurons à parler plus tard, en sont les descendans, mais d’autres savans affirment que rien n’est moins certain. A son tour, le major anglais F.-C. Clarke, homme d’une grande érudition, voit dans ces Dounganes les Argons dont Marco Polo fait mention. La philologie seule pourra peut-être un jour éclaircir ce point douteux.

A la longue, la puissance de la Chine dans l’Asie-Centrale et les régions de l’Ouest déclina de nouveau; ces contrées tombèrent successivement sous la domination de peuplades thibétaines, d’Arabes prédicateurs et guerriers, de Mongols originaires de Kara-Kitai, et enfin, de Gengis-Khan et de ses descendans. A propos d’Arabes