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à Palikao, mais de fusils à tir rapide. Ce jour-là, on reconnaîtra, ainsi que toujours, un peu tard, le tort immense que l’on a eu en allant mettre les pie Is dans cette fourmilière.

Il y a deux issues principales au plateau : l’une, s’ouvrant entre les montagnes de l’Altaï et du Thian-chan, et qui débouche en Dzungarie, l’autre, donnant accès en Sibérie, puis, par un détour d’un parcours relativement facile, conduisant au Turkestan, aux Indes anglaises et en Perse. Ce sont là les portes naturelles par lesquelles sortirent, à des époques déjà bien reculées, les hordes émigrantes qui envahirent et ravagèrent une partie de l’Asie et de l’Europe orientale. C’est, il est vrai, plus au nord de l’Asie que ces hordes se recrutaient en plus grand nombre ; mais la magnifique végétation que le Kouldja doit aux cours d’eau qui l’arrosent dut interrompre la marche en avant de beaucoup de ces émigrans en quête, à la sortie de leurs steppes arides et de leurs montagnes dénudées, de fraîches oasis et d’eaux limpides. S’ils plantaient leurs tentes sur les bords de l’Hi ou du Kergesse, deux rivières du Kouldja, ils en étaient chassés, ainsi que l’histoire de ces contrées nous l’apprend, par de nouveaux arrivans, et ainsi de suite, durant le longues périodes. C’est, à peu de chose près, ce qui se passe encore de nos jours : les races envahissantes seules ont changé.

Ce n’est pas sans de bonnes raisons qu’une région se trouve exposée à de pareilles convoitises et que son envahissement en quelque sorte fatal se reproduit de siècle en siècle. C’est que, tenir le Kouldja en son pouvoir, c’est posséder un pays admirable et, qui plus est, avoir un pied au seuil du Céleste-Empire. Si la Chine n’a pas alors été la proie des Huns comme elle a failli de nos jours l’être des Russes, ce n’est certainement point la faute de ces deux peuples conquérans.

On sait effectivement aujourd’hui que, dès le IIe siècle, avant l’ère chrétienne, sous la brillante dynastie des Han, un souverain chinois du nom de Wou-ti, « l’empereur guerrier, » mit sur pied une grande armée dont la tâche fut d’aller refouler vers l’Asie occidentale des hordes menaçant d’une invasion le nord-ouest du Céleste-Empire. C’est même à propos de cette guerre que les historiens chinois font mention pour la première fois de la Dzungarie. Le général Ho-Khiou-Ping, auquel l’empereur Wou-ti avait donné le commandement de l’armée des Braves, dégagea la frontière menacée et délivra les rois et les princes de l’Asie occidentale des Hioug-nou ou Huns, qui les dominaient. Les pays conquis devinrent possessions chinoises. L’empereur en fit des colonies florissantes; il y bâtit des villes auxquelles il donna des gouverneurs militaires qui eurent l’autorisation de prendre le titre de wang ou roi. Mais c’était tout; moins bien partagés que les généraux faits