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Les démocrates abandonnaient à leurs adversaires la Pensylvanie, bien qu’elle fût l’état natal du général Hancock ; les républicains se considéraient comme assurés de dix-sept états, en y comprenant le Maine, qui ne pouvait être perdu que si les greenbackers désertaient leur propre candidat pour celui des démocrates. Ces dix-sept états ne disposaient ensemble que de 160 suffrages; l’élection dépendait donc de cinq états que les deux partis revendiquaient comme acquis à leur cause et qui avaient: New-York 45 voix, l’Indiana 15, le New-Jersey 9, le Connecticut 7 et la Californie 5. Les démocrates comptaient que l’influence de M. Hendricks et de M. English leur assurait l’Indiana, cil ils avaient toujours eu la majorité depuis 1876 ; la réconciliation, au moins temporaire, qui s’était opérée entre les deux fractions de leur parti, semblait leur donner de grandes chances de succès à New-York, et ces deux états leur suffisaient pour atteindre la majorité absolue.

Les républicains avaient donc fort à faire; mais tout le monde se mit à l’œuvre. Tout les ministres quittèrent Washington à la fin d’août et n’y rentrèrent qu’au mois de novembre; chacun d’eux se rendit où il pouvait exercer quelque influence. Le grand avocat de la réforme administrative, le ministre de l’intérieur, M. Karl Schurz, fut le premier à quitter son poste pour aller parcourir l’Indiana, où il ne tarda pas à être rejoint par M. Conkling. Le président lui-même entreprit dans les états riverains du Pacifique une tournée qui lui permit de visiter utilement la Californie. Pendant deux mois et demi, des flots d’éloquence et d’argent se répandirent sans interruption sur toute la région où la lutte était sérieusement engagée. Bien qu’aucun des orateurs en renom dans le parti républicain ne se soit épargné, la justice oblige à proclamer qu’aucune parole ne fut aussi utile à M. Garfield que celle du général Grant. On décida, en effet, le vieux soldat à intervenir de sa personne dans la mêlée électorale. Les républicains organisèrent les vétérans de la guerre civile en une association dite des Garçons bleus, dont la présidence fut naturellement déférée au général, et qui servit de prétexte à une série de réunions publiques dans l’Ouest et dans le Centre. Les premières tentatives oratoires du général ne furent pas des plus heureuses. Il dit assez mal à propos à son auditoire qu’il n’avait voté, il y avait déjà bien longtemps, que dans une seule élection présidentielle, qu’il avait alors donné sa voix au candidat des démocrates et que, depuis lors, il n’avait jamais voté, ces élections ne lui paraissant avoir aucun intérêt. Après un pareil exorde, la préférence que le général voulait bien exprimer pour M. Garfield ne pouvait pas exercer une grande