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formes surannées et par-dessus tout les scandaleux abus qui les rongeaient ? Si le régime des collèges laissait à désirer, combien plus vicieux encore n’était pas celui de nos facultés de droit, de médecine et de théologie ! « À Toulouse, dit M. Jourdain[1], comme dans la plupart des universités, les abus s’étaient fort multipliés. Les étudians avaient pleine liberté pour s’affranchir des conditions de scolarité fixées par les statuts. Ils se présentaient aux examens sans produire aucun certificat d’études, ou simplement munis d’attestations délivrées par leurs condisciples. Une argumentation dérisoire qui se passait entre eux dans la salle des cours, sous l’œil du professeur, suffisait pour obtenir le baccalauréat et la licence ; quelquefois il arrivait que les grades fussent délivrés sans aucune épreuve préalable. Les professeurs, dégoûtés de leurs fonctions, se montraient aussi peu attachés que les écoliers eux-mêmes à leurs fonctions ; on en vit s’absenter pendant plusieurs mois, en laissant le soin des cours à des suppléans inconnus et incapables. »

À Bourges, où les jésuites occupaient seuls les chaires de la faculté des arts, — nous empruntons ce fait à M. Compayré, — les diplômes de maître ex-arts étaient souvent accordés à des aspirans qui n’avaient subi aucun examen, mais qui se recommandaient par d’autres titres spirituels ou temporels.

Dans la plupart des écoles de médecine, à ce que rapporte M. Vallet de Viriville, la collection des degrés n’était subordonnée à aucune garantie réelle d’instruction ni même d’études. C’était une simple question de finances et de formalités. « Des documens officiels attestent que des brevets de docteur se délivraient sans aucun rapport personnel entre les juges et les candidats, par correspondance. Les facultés de Paris et de Montpellier étaient les seules où des examens fussent imposés aux récipiendaires et qui eussent conservé quelque crédit… Au sein même de la capitale, la faculté de droit n’imposait plus depuis longtemps d’examen sérieux à ceux qui se présentaient pour recevoir ses grades. Ses diplômes s’achetaient également. »

Il est clair qu’une telle corruption de la discipline devait avoir pour conséquence un notable affaiblissement des études supérieures. Elle appelait en tout cas une énergique intervention de l’état, et, là comme dans l’ordre des petites écoles, on doit regretter que la royauté n’ait pas tu plus tôt le sentiment des devoirs et des responsabilités qui lui incombaient.

Sauf l’institution, en 1746, du concours général des collèges de Paris, c’est en effet de la seconde moitié du XVIIIe siècle que datent

  1. L’Université de Toulouse au XVIe siècle.