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Voilà pour la faculté des arts ; voici maintenant pour les autres.

« Notre faculté de droit est misérable. On n’y dit pas un mot de droit français ; pas plus du droit des gens que s’il y en avait point ; rien de notre code civil et criminel ; rien de notre procédure, rien de nos lois, rien des constitutions de l’état, rien du droit des souverains, rien de celui des sujets, rien de la liberté, rien de la propriété, pas davantage des offices et des contrats… De quoi s’occupe-t-on donc ? On s’occupe du droit romain dans toutes ses branches. La faculté de droit n’habite plus un vieux bâtiment gothique, mais elle parle goth sous les superbes arcades de l’édifice qu’on lui a élevé.

« La faculté de théologie a réglé les études sur les circonstances présentes : elles sont tournées vers la controverse avec les protestans, les luthériens, les sociniens, les déistes et la nuée des incrédules modernes. Elle est elle-même une excellente école d’incrédulité ; il y a peu de sorbonnistes qui ne recèlent sous leur fourrure ou le déisme ou l’athéisme. Ils n’en sont que plus intolérans et plus brouillons ; ils le sont par caractère ou par ambition, ou par intérêt, ou par hypocrisie. Ce sont les sujets de l’état les plus inutiles, les plus intraitables et les plus dangereux…

« Notre faculté de médecine est la meilleure des quatre. On y enseigne l’anatomie, la chirurgie, le traitement des maladies dans toutes les branches, les élémens de l’histoire naturelle, la botanique, la chimie et la pharmacie. D’ailleurs point de pratique[1] et c’est un grand défaut…[2] ».

Dans l’Encyclopédie, d’Alembert va tout aussi loin ; c’est la même inspiration, le même esprit de dénigrement. Humanités, rhétorique, philosophie, mœurs, religion, sous tous ces rapports qu’il examine successivement, notre philosophe ne trouve qu’à condamner.

Les humanités ? « C’est ainsi que l’on appelle le temps que l’on emploie dans les collèges à s’instruire des principes de la langue latine. On y joint vers la fin quelque connaissance du grec. On y apprend à expliquer tant bien que mal les auteurs anciens les plus faciles, puis à composer tant bien que mal en latin. Et c’est tout. » La rhétorique ? « Étendre une pensée, circonduire et allonger des périodes, faire des amplifications, presque toujours en latin, et s’habituer ainsi à noyer dans deux feuilles de verbiage ce qu’on pourrait dire en dix lignes, voilà tout le fruit qui peut être retiré de cette classe. »

La philosophie ? Celle qu’on enseigne dans un grand nombre ce

  1. Il n’y avait pas, au temps de Diderot, une seule chaire de clinique en France.
  2. Plan d’université russe.