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mœurs et catholicité, et astreints à passer leur examen en présence des pasteurs et magistrats « à iceux joints quatre notables habitans. »

3o Qu’un maître une fois admis dans telle ville ou commune ne puisse être destitué que de l’autorité des administrateurs et pour des causes légitimes.

4o Que les instituteurs de la jeunesse dépendent positivement du gouvernement ou de l’administration provinciale, quoique « surveillés dans leurs fonctions des pasteurs et des magistrats qui seraient tenus de visiter de temps en temps les écoles » et d’en rendre compte à l’administration.

5o Qu’ils aient « qualité de citoyen dans les lieux qu’ils habiteront, » c’est-à-dire le droit d’entrer aux assemblées des communes et d’y prendre part aux délibérations, et qu’en conséquence ils soient appelés à supporter, suivant leur rang, les charges de l’état « excepté celles qui seraient absolument incompatibles avec leur fonction. »

6o Enfin, qu’on leur fasse une pension fixe « payée par le gouvernement ou la province » et que les communautés n’aient plus d’autre charge que de loger leurs maîtres suivant l’usage, « supprimant ainsi tous mois d’écoliers, toutes quêtes, toutes perceptions et droits onéreux aux habitans qui les paient et honteux pour ceux qui les reçoivent. »

Tout n’est pas également fondé dans ces réclamations, ni vrai dans le portrait que les instituteurs de Bourgogne traçaient d’eux-mêmes à la veille de la révolution. Évidemment la couleur en est très chargée, les traits durs, l’expression emphatique. On y entrevoit des profondeurs d’amertume accumulée et l’on y sent comme un frémissement de colère mal contenue. Voltaire et Diderot ont déjà passé par là. Néanmoins, la part une fois faite à l’exagération du langage, on ne peut s’empêcher de reconnaître qu’une refonte complète de la législation des petites écoles était urgente et que là comme ailleurs la royauté manqua de clairvoyance et de présence d’esprit en ne prenant pas la direction d’un mouvement aussi légitime.

Soyons justes pourtant, ce mouvement, la royauté semblait prête à s’en emparer quand elle fut emportée par les événemens, et ce n’étaient pas seulement des rêveurs isolés, comme Turgot, qui l’y poussaient. Dès le milieu du XVIIIe siècle, l’idée de la sécularisation de l’enseignement se manifestait sans beaucoup de suite assurément et d’une façon bien timide encore ; mais enfin le branle était donné : déjà quelques intendans, touchés de l’esprit révolutionnaire avant la révolution, cherchaient à substituer leur autorité à celle de l’église et s’attribuaient tout doucement le droit d’approbation