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temps où l’on n’avait encore aucun souci des lois de l’hygiène. Il n’y a pas si longtemps qu’à Paris même, dans nos hôpitaux, les malades étaient couchés plusieurs dans le même lit.

On a dépensé beaucoup de sensibilité depuis La Bruyère et surtout depuis la révolution au sujet des paysans. Robespierre n’en pouvait parler qu’avec des larmes dans la voix, et, de nos jours, d’aimables philosophes se sont fait des souffrances du peuple sous l’ancien régime un thème facile à déclamation. Des torrens de philanthropie banale se sont ainsi longtemps épandus sur nous sans rencontrer d’obstacles. Personne n’osait se mettre en travers ; les meilleurs esprits eux-mêmes étaient ébranlés par tant de faconde et d’assurance. Peu à peu cependant une sorte de réaction s’est produite ; le moyen âge, étudié d’un peu plus près, est apparu moins sombre. À le fouiller, on s’est aperçu qu’il avait été, sinon calomnié, du moins fort noirci, et quelques-uns, les plus hardis, ont osé protester. Du moyen âge on est passé aux temps modernes, et l’on a connu qu’il y avait quelque exagération à dater de 1789 la fraternité, la bienfaisance et généralement toutes les vertus sociales. Bref, dans une certaine mesure, l’ancien régime s’est vu réhabilité. Sans doute il reste encore beaucoup à faire pour transformer en âge d’or le temps de la Saint-Barthélémy et des dragonnades ; mais entre l’âge d’or que quelques-uns ont entrevu dans leurs rêves et l’âge de fer qu’on nous a longtemps représenté sous de si tristes couleurs, notre vieille France s’est enfin trouvée mise à son point. Beaucoup de préjugés et d’injustes préventions se sont évanouis. C’est un point accepté par exemple aujourd’hui que la condition des maîtres d’école ou recteurs avant 1789 n’avait rien que de très supportable. À coup sûr leur rémunération était des plus modestes. On l’a évaluée dans les chefs-lieux de paroisse à 400 livres au minimum et 800 livres au maximum, dans les autres paroisses à 50 livres, plus la nourriture, que fournissaient à tour de rôle les parens. D’après une autre évaluation, elle était en moyenne, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, de 120 livres, auxquelles venaient s’ajouter les mois des écoliers, le revenu de l’église et le logement[1]. Il faut singulièrement se défier de ces moyennes obtenues à l’aide d’observations locales ; elles peuvent être exactes pour telle région et parfaitement fausses pour telle autre. Autant il y avait de communautés, autant il existait de coutumes et d’usages différens. Ici le mode en vigueur était celui de la taxe, à la fois libre et proportionnelle, indiqué par beaucoup de règlemens diocésains : libre parce qu’elle ne portait que sur

  1. Mongeonjean.