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que sous les plus expresses réserves, — dans la Haute-Marne la moyenne des habitans sachant lire et écrire, qui n’est encore aujourd’hui que de 72 pour 100, était déjà avant la révolution de 71.8.

Évidemment tous ces chiffres ne sont pas d’une exactitude et d’une rigueur absolues. Il peut, il doit y entrer une certaine part d’exagération et même, chez quelques-uns, de parti-pris. Les faiseurs de statistique sont parfois sujets à caution ; en tout cas, ils peuvent se tromper dans leurs calculs. Mais, tout en tenant compte de ces divers élémens d’erreur, la conclusion qui se dégage de ces chiffres et de ces observations multipliées est encore fort honorable. On en trouverait d’ailleurs la confirmation dans un document bien souvent cité, mais que peu de personnes ont eu la patience de lire jusqu’au bout, à savoir le rapport de Condorcet. À ce rapport se trouve jointe sous forme d’annexé une note dont les élémens avaient été réunis par Romme. Or veut-on savoir à quelle somme cet habile calculateur évaluait la dépense des petites écoles dans les dernières années de la monarchie, dépenses supportées en grande partie par les fabriques et par des fondations particulières ? À 12 millions. Ce chiffre vaut tous les argumens du monde et c’est un des plus violens adversaires de l’ancien régime, un jacobin, qui nous le fournit. Jugez, si c’était un ami.

Nombreuses, il est donc certain que les petites écoles l’étaient dans presque toutes nos provinces. Très défectueuses au point de vue de la construction, de l’aération, et par conséquent de la salubrité, la chose n’est pas moins évidente. Il suffit de regarder les anciennes gravures qui nous restent, entre autres une très curieuse eau-forte de Boissieu. pour se former une idée du délabrement et de la pauvreté des locaux affectés à l’enseignement dans les campagnes. C’étaient généralement de simples chaumières que rien ne distinguait des autres habitations. Couvertes en paille et construites en bois, elles n’avaient qu’un rez-de-chaussée éclairé par d’étroites et rares ouvertures où les enfans se réunissaient pêle-mêle avec le recteur et sa famille. Peu ou point de mobilier, si ce n’est celui du maître. Les tables étaient formées de planches mobiles, posées sur des tréteaux. Les élèves écrivaient debout ; les plus jeunes seulement étaient assis sur de petits bancs.

Tel était l’aspect qu’offrait encore au XVIIIe siècle l’intérieur d’une école rurale. Il y a loin de cette misère au confortable actuel ; mais il ne faut pas oublier que la plupart de ces maisons d’école étaient d’anciennes habitations privées léguées par des personnes charitables ou fournies par les fabriques. Un petit nombre seulement avaient été construites en vue de leur destination, soit par les communautés, soit par le seigneur du lieu, et cela dans un