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la rébellion éclata, et il fut appelé par le choix de ses concitoyens de l’Ohio en même temps que M. Hayes, à commander un régiment puis une brigade de miliciens. De là lui vient son titre de général. Son temps de service expiré, il rouvrit son cabinet et ne tarda pas à être envoyé à la chambre des représentans, où il siégea avec la fraction la plus modérée du parti républicain. L’amitié que lui portaient M. Hayes et M. Sherman l’avait mis en évidence depuis 1876, et il s’était fait remarquer par son bon sens, la netteté de ses idées et l’étendue de ses connaissances ; protectionniste déterminé, il avait dans les dernières sessions porté le poids des longues discussions auxquelles le tarif des douanes avait donné lieu. La médiocrité de sa fortune, qui consiste en une ferme dans l’Ohio et une petite maison à Washington, démontre qu’il était loin d’occuper un des premiers rangs parmi les jurisconsultes ; il n’aurait sans doute pas osé aspirer à être gouverneur de son pays natal au moment où un caprice de la fortune le désignait pour la première magistrature des États-Unis.

La plate-forme, c’est-à-dire le programme rédigé par la convention de Chicago, peut, malgré sa longueur, se résumer brièvement. Elle dénonçait les démocrates comme les adversaires de l’unité nationale, qu’il était du devoir des républicains de maintenir et de fortifier. Elle faisait un grand éloge de l’administration de M. Hayes et revendiquait pour le parti républicain l’honneur d’avoir rétabli les finances, relevé le crédit national, ramené et assuré pour l’avenir la prospérité du pays. En proclamant les avantages de l’éducation populaire et en recommandant d’en favoriser le développement, elle insistait pour qu’aucune partie des deniers publics ne fût attribuée aux écoles fondées dans l’intérêt exclusif d’une secte religieuse. Elle flétrissait la polygamie, justifiant ainsi les mesures prises par le gouvernement contre les Mormons ; pour capter les suffrages de la Californie, elle signalait comme un mal l’arrivée des Chinois en nombre illimité sur le territoire américain et demandait, pour arrêter ce mal, la révision des traités existans ; mais le point sur lequel la convention insistait avec le plus de force était la nécessité d’assurer une protection efficace au travail, au commerce et à l’industrie du pays. Au dernier moment, un paragraphe fut ajouté au programme en faveur de la réforme des services civils. Un délégué du Texas, M. Flanagan, déclara cyniquement qu’il en avait assez de ce vieux refrain et qu’il trouvait fort juste que ceux qui se donnaient du mal pour faire élire un président se partageassent ensuite les emplois : aucun des délégués n’était venu à Chicago dans une autre pensée. Cet accès de franchise provoqua une bruyante hilarité ; le paragraphe n’en fut pas moins