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« entre l’ordre et le désordre » à Rome comme à Paris, dans la politique extérieure comme dans la politique intérieure.

Tout ce qui tendait à perpétuer sous une forme ou sous l’autre le désordre né de la révolution de février, M. Thiers le combattait d’une infatigable énergie ; tout ce qui pouvait aider à reconstituer l’ordre détruit, il le soutenait avec les gouvernemens du jour et au besoin malgré ces gouvernemens, — contre les démagogues, et au besoin contre ceux qui, improvisés ministres et dictateurs depuis février, chefs officiels de la république, n’avaient su, dans un règne de quelques mois, que donner le spectacle d’une violente, d’une ombrageuse et stérile domination de parti. M. Thiers ne transigeait ni avec les uns ni avec les autres, et parfois il prenait de terribles revanches contre les républicains plus modérés ou plus politiques que les socialistes, mais inconséquens, qui, après avoir passé leur vie à diffamer la monarchie, dépassaient en peu de temps tout ce qu’ils avaient reproché aux monarchies, qui, après avoir mis la France à mal, se croyaient encore le droit de traiter en ennemis les libéraux et les parlementaires du passé. Il les montrait obligés de recourir aux répressions les plus sanglantes, eux qui avaient si souvent parlé des « massacres de Transnonain, » — déclarant l’état de siège, eux qui avaient appelé l’état de siège une « abomination, » — exagérant les dépenses publiques, eux qui avaient tant crié contre les gros budgets, — cherchant à dominer les élections par les clubs, par des commissaires, après avoir tant déclamé contre les candidatures officielles. Et puis il ajoutait : « Vous avez accusé le passé, permettez au passé, sans termes injurieux, de vous rappeler vos propres actes. Je vous montre le miroir, regardez-vous dedans!.. Ces hommes du passé que vous accusez d’être les ennemis du gouvernement actuel,.. s’ils n’avaient pas mis l’intérêt du pays, intérêt qui était devenu celui de notre conservation à tous, au-dessus de leurs ressentimens, ah ! qu’ils auraient pu triompher, tantôt lorsque vous veniez nous annoncer que c’était après quatre et cinq jours de combat qu’on avait rétabli l’ordre, tantôt quand vous apportiez l’état de siège, tantôt quand vous nous portiez des budgets de 16 et de 1,700 millions... Ah ! ils auraient pu vous attaquer rudement, vous rappeler vos inconséquences. Avons-nous joué ce rôle?.. Sommes-nous venus nous armer des diffamations que vous nous aviez jetées à la face pendant dix-huit années pour vous les rejeter à vous à bien plus forte raison? Non, nous avons mis les intérêts du pays au-dessus de tout, nous avons appuyé tous les pouvoirs... » — Il les soutenait effectivement à sa manière, — sans se défendre à l’occasion de montrer leur « suffisance » et leur « insuffisance, » comme on disait alors.

Que par les excitations contraires du temps, la réaction déjà sensible