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semble du pays… Un gouvernement ne peut être en possession de l’affection et de la confiance publiques que s’il s’inspire des intérêts, des besoins, dea vœux, des doléances, des aspirations, des exigences de toutes les parties de la France… » Fort bien ! c’est presque le programme et le langage d’un homme d’état. Il n’y a qu’un malheur » c’est que l’homme d’état manque chez M. le président de la chambre, il ne reste guère que l’homme de parti dans la réalisation du programme. Que M. Gambetta juge habile depuis quelque temps, surtout à mesure qu’on approche des élections, de rechercher et même d’affecter de rechercher l’alliance des commis-voyageurs, des marchands de vin, des syndics de toutes les industries, des employés de commerce, c’est son affaire ; à vrai dire, ces réunions ont leur utilité et ces classes qui représentent une partie du travail national sont certes très estimables ; mais enfin les commis-voyageurs, les marchands de vin, les drapiers ne résument pas apparemment toute la société française ; il est d’autres classes, ou si l’on ne veut pas de ce mot de classes, il est d’autres zones sociales où il y a aussi des « besoins, » des « vœux, « des « doléances, » des « aspirations, » dont doit tenir compte, au dire de M. le président de la chambre lui-même, un gouvernement jaloux d’entrer « en possession de l’affection et de la confiance publiques. » M. Gambetta ne paraît guère s’occuper de ces autres parties vivantes de la société française, qui ont pourtant aussi leur place dans l’état avec tout ce qu’elles représentent de traditions et d’intérêts, — ou s’il s’en occupe, c’est pour les offenser dans leurs souvenirs et leurs opinions, pour les traiter en vaincues ou en suspectes. Il réserve ses sollicitudes et ses flatteries pour ceux qui lui offrent des banquets et dont il attend la popularité, pour ceux qu’il appelle les représentans du négoce et des affaires. C’est en cela justement que M. Gambetta n’est point un homme d’état, qu’il reste un homme de parti souple, adroit, éloquent, mais abusé, infatué, aussi exclusif que bien d’autres, ayant tout l’air de chercher le pouvoir dans l’appui d’une clientèle active et puissante dont il caresse les instincts et les préjugés pour s’en servir. Sous ce rapport, cette campagne des banquets du commerce ne laisse pas de jeter un jour singulier sur les idées et les procédés de M. Gambetta comme sur la situation tout entière.

Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que M. le président de la chambre des députés, qui est certainement avant tout un homme d’impression et d’instinct, d’assihiilation facile et de tactique, se donne tout le mouvement possible pour paraître un homme de science et de réflexion. Il ne se contente pas d’être un orateur entraînant, un esprit vif et habile. Il croit sincèrement avoir fait des découvertes merveilleuses qu’il déroule avec une complaisante et inépuisable abondance dans ses discours et dans ses programmes. Il a trouvé la méthode nouvelle appropriée à la république. Il a découvert la politique scientifique, expérimentale, la