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les victimes, était placé sans doute au centre de la terrasse supérieure, en face de l’escalier et au milieu de la colonnade ionique dont il a été déjà question. Rien n’en est resté, ce qui ne saurait surprendre, puisque, au dire de Pausanias il consistait en un simple tertre formé par les dépouilles des victimes ; mais on a retrouvé des restes de plusieurs monumens et statues qui semblent avoir existé autrefois dans l’enceinte de l’autel. C’étaient des monumens commémoratifs des faits les plus importans de l’histoire locale : l’un d’eux avait été érigé en souvenir de la défaite des Gaulois dans la plaine du Caïque, événement qui avait été l’origine de l’importance du petit état fondé par l’eunuque Philetère. Il consistait en une série de statues, analogues sans doute, identiques peut-être aux Gaulois du Capitole et de la villa Ludovisi, posées sur un piédestal dont plusieurs morceaux ont été découverts. Une inscription conservée seulement par fragmens, mais dont il est pourtant possible de comprendre le sens général, mentionnait la glorieuse victoire que le monument était destiné à perpétuer. Une autre inscription, incomplète aussi, se rapporte à l’expédition entreprise par Eumène II, avec le concours de Rome, contre Nabis, roi de Sparte. Les statues sont également détruites : elles sont sans doute à l’état de débris confondus avec les fragmens de sculpture trouvés par milliers sur l’emplacement de l’autel. Les savans de l’Allemagne, travailleurs patiens et opiniâtres, chercheront sans doute à rapprocher ces restes mutilés ; mais il est peu probable qu’ils arrivent à quelque résultat.

Tout ce qui avait quelque valeur esthétique sur l’acropole de Pergame a été dirigé sur Berlin. La difficulté a été grande pour gagner la mer; une route avait pourtant été construite entre Pergame et Diceli dix ans auparavant, et M. Humann lui-même en avait dirigé les travaux; mais il n’avait pas été chargé d’entretenir son œuvre en bon état. Détériorée par les violens orages qui sévissent de temps en temps dans ces belles contrées de l’Orient, la route n’avait pas été réparée, si bien qu’elle était devenue impraticable; quant aux ponts, que l’on avait eu le tort de construire en bois par économie, les conducteurs de caravane y avaient mis le feu pour se chauffer pendant la nuit. Aussi fallut-il des efforts surhumains pour faire passer à travers champs les lourds chariots, traînés par des buffles, qui portèrent jusqu’au port d’embarquement les dépouilles de l’autel de Jupiter. De Diceli, la marine allemande se chargea de les conduire jusque dans les eaux de la Sprée. Ces difficultés d’ordre matériel furent les seules à vaincre : la Sublime-Porte, qui avait voulu se réserver tout d’abord la part que la loi turque donne à l’état sur les trésors, finit par tout abandonner