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Cumes. Il reconnaît avec une joie indicible que les morceaux s’accordent et qu’il est en présence d’une scène splendide représentant le roi des dieux vainqueur avec trois de ses ennemis, dont deux sont terrassés, groupés autour de lui. Une lacune qui existait à gauche du dieu est heureusement comblée par la découverte d’une autre plaque de marbre où figure l’égide, cet étrange bouclier bordé de serpens, image des nuages où naît la tempête, attribut spécial de Jupiter. « Un chef-d’œuvre sans rival est rendu au monde, poursuit l’heureux inventeur. Profondément émus, nous entourions la précieuse trouvaille, quand je me jetai à genoux devant Jupiter en versant un torrent de larmes. » Tous ceux qui verront les bas-reliefs de Pergame comprendront cet enthousiasme. Je ne sais rien de plus surprenant que ce dernier épisode d’une lutte colossale, sauvage et sans merci, comme celle qui existe entre les élémens dont les dieux et les Titans sont les images. Jupiter s’avance puissant, splendide, présentant sa large poitrine, vêtu d’une longue draperie qui, tombant des épaules, vient flotter autour de ses jambes. Derrière lui, à gauche, gît un géant renversé, la cuisse traversée par le foudre; sous ses pas, à droite, un autre vaincu agonise, portant la main à l’épaule avec un geste de désespoir et de douleur. Mais il reste encore un adversaire : c’est un vieux Titan à longue barbe, montrant un dos merveilleusement musclé et posé sur ses cuisses couvertes d’écailles, qui se replient en arrière en formant deux énormes serpens. Il tourne le visage vers le dieu avec un fier mouvement oblique de la tête, lui lance un regard farouche et brandit contre lui son bras revêtu d’une peau de lion. Seul, quand ses pareils succombent, il veut tenter un combat suprême. Ce monstre étrange, homme et serpent tout à la fois, et ce dieu qui réunit toutes les beautés dont l’imagination humaine peut parer les immortels, résument en eux toute la lutte et sont le chef-d’œuvre de Pergame. Michel-Ange n’a rien fait de plus puissant.

Il est impossible d’énumérer même une faible partie des sujets représentés sur cette vaste collection qui, pour la Gigantomachie seulement, comprend près de cent grandes plaques de marbre. Nous avons cité Hécate, Diane, Minerve, la Terre et Jupiter; vingt autres dieux ou déesses y figurent avec eux : c’est Apollon vainqueur qui vient de terrasser un géant et saisit une flèche dans son carquois pour continuer la lutte; — c’est Hélios, le Soleil, vêtu d’une longue robe flottante, qui s’avance sur un quadrige et dont les chevaux foulent aux pieds des Titans expirans; — c’est Cybèle, la grande déesse phrygienne, la mère des dieux, qui chevauche sur un lion ; — c’est Hercule tenant sa massue des deux mains et écrasant