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qu’ils paient de leur sang, et ils ont leurs prétentions; après tout, l’Angleterre a plus à gagner à s’allier avec eux en Afrique qu’à se préparer d’éternelles guerres.

La plus grande des républiques vivantes, sans vouloir faire tort à la république française, la plus ancienne dans tous les cas, la république des États-Unis d’Amérique vient de subir un changement de pouvoir qui, pour cette fois, n’a pas été une crise. Celui qu’on peut maintenant appeler l’ancien président, M. Hayes, a quitté la Maison-Blanche sans bruit, à l’heure voulue, le 4 mars, après une administration de quatre années, qui avait commencé au milieu des orages, des contestations passionnées des partis, et qui vient de finir le plus pacifiquement du monde. Le nouveau président, — c’est le vingtième depuis que les États-Unis existent, — M. James Garfield, accompagné du vice-président, M. Arthur Chester, escorté par les milices, est allé porter son serment au capitole de Washington et a pris possession du pouvoir sans trouble, sans le moindre incident. Le nouveau président est l’élu des républicains, comme l’était déjà M. Hayes. C’est donc toujours le même parti qui a son représentant à la Maison-Blanche. M. Garfield, à son avènement, du reste, reçoit cette grande république qu’il est chargé d’administrer pour quatre ans dans d’incomparables conditions de prospérité matérielle qu’il s’est plu à constater, et cette prospérité, il l’attribue non-seulement à l’abondance des récoltes, mais « plus encore au maintien du crédit public et à la reprise des paiemens en espèces; » c’est la doctrine économique du parti républicain. Le discours par lequel le nouveau président a inauguré sa prise de possession ne fait en réalité que confirmer dans son ensemble la politique modérée et sensée de son prédécesseur, politique tournée avant tout vers les améliorations pratiquais et avouant la sage intention de faire oublier les violentes luttes du passé.

Certes elle est dans toute sa puissance, dans son mouvement ascendant, cette république qui embrasse aujourd’hui la plus grande partie de l’Amérique du Nord. Depuis qu’elle est sortie victorieuse de la guerre civile où fille a failli s’abîmer, elle a repris sa marche avec une énergie extraordinaire. Si elle n’a rien ménagé, ni les hommes ni l’argent quand il l’a fallu, pour triompher d’une crise terrible, elle n’a rien négligé depuis pour reconstituer ses forces et son crédit. Elle ne s’est pas fait un jeu, quant à elle, de grossir sa dette sans nécessité, elle a mis au contraire une passion opiniâtre à la réduire, sans reculer devant l’excès des fiscalités et des prohibitions douanières pour atteindre son but. La politique économique qui a été suivie depuis quinze ans a pu paraître quelquefois exagérée; elle n’en a pas moins eu une influence décisive sur le développement de la prospérité intérieure, sur les progrès de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, en un mot sur ce mouvement