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trouvée déplacée par la prédominance exclusive des influences de parti et où l’on s’est cru désormais tout permis ; c’est que la force de modération qui avait d’abord gardé quelque autorité a presque disparu ou s’est sensiblement atténuée avec l’avènement des ministères qui se sont donnés pour les inaugurateurs et les mandataires de la politique vraiment républicaine. Il y a quelques jours à peine, le centre gauche du sénat s’est réuni, et le nouveau président qu’il a élu, un ancien ministre, M. Teisserenc de Bort, s’est plu à relever la part du groupe d’opinions qu’il représente dans la fondation de la république, dans la réorganisation de la France, dans l’œuvre des dix années qui viennent de s’écouler. M. Teisserenc de Bort a raconté ce qui est du passé et il s’est empressé d’ajouter : « Aujourd’hui notre démocratie est maîtresse de ses destinées. Elle ne redoute rien de ses adversaires et ne pourrait être compromise que par ses propres fautes. L’objectif de nos efforts patriotiques se trouve donc changé. Nous n’aurons plus désormais à défendre la république contre la réaction, contre les entreprises du pouvoir personnel ; mais nous pouvons être appelés à la prémunir contre l’inexpérience et les entraînemens de quelques-uns de ses amis !.. » Fort bien ! C’est le seul rôle qu’un parti réellement modéré, qu’il continue à s’appeler le centre gauche ou qu’il soit conduit à s’appeler d’un autre nom, puisse accepter désormais, — et ce rôle, s’il veut garder sa bonne renommée politique, il doit le prendre activement, résolument, sans craindre les exclusions dont on le menace, sans se laisser entraîner dans des aventures que sa raison désavouerait, sans se confondre dans des alliances équivoques sous prétexte de solidarités trompeuses. Ou il n’est rien, ou il est dans la république une opposition libérale et conservatrice luttant contre l’arbitraire déguisé sous une couleur républicaine, arrêtant au passage les projets décousus, inspirés par l’esprit de parti, parlant le langage de l’indépendance avec M. Bérenger dans son rapport sur la magistrature, le langage de la prévoyance financière avec M. Léon Say dans son dernier discours sur un dégrèvement de l’impôt foncier. Son seul programme, selon le mot de M. Teisserenc de Bort, c’est de n’accepter et de n’appuyer que ce qui est « compatible avec la bonne conduite des affaires, le maintien de la paix publique et la stabilité des institutions. »

Il y a un mot qu’on répète souvent pour justifier tous ces projets et ces propositions où se perdent chambres et ministres, — qui prouvent plus d’agitation ou d’impatience que de vraie activité, plus d’esprit da parti que d’esprit de gouvernement. Il faut bien, dit-on, que la république apparaisse, qu’elle se manifeste par ses œuvres, par ses lois et par ses réformes ; il faut bien qu’elle ait sa politique à elle dans les finances et l’administration économique comme dans la diplomatie, dans l’organisation civile et judiciaire comme dans la direction de l’armée, dans l’enseignement comme dans les rapports avec la puissance