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déserte. Le Tartare s’y trouvait en tête-à-tête depuis un mois avec un brick danois et demandait son rappel. Au mois de mai Matamoros paraissait en pleine sécurité, et le voisinage des troupes françaises dans le Nord, qui permettait à la garnison de faire des excursions, ôtait toute probabilité à un coup de main sur Bagdad! Dans une de ces excursions, la bande de Cortina avait manqué être complètement détruite et laissait au pouvoir des impériaux cent quatre prisonniers. Les Autrichiens, désormais jugés inutiles, avaient quitté Bagdad, et la Sonora les avait portés à Vera-Cruz, au nombre de quatorze officiers, trois cent trente-trois hommes et soixante chevaux et mulets. Le Tartare était autorisé à rentrer et transportait les cent quatre prisonniers de Cortina, qu’on mettait dans les prisons du fort Saint-Jean-d’Ulloa. Malheureusement, au mois de juin, tout changeait de la façon la plus grave. Matamoros devait recevoir du général Jeanningros, alors à Monterey, un convoi de munitions et de vivres. Le général Mejia eût désiré ne pas aller au-devant de ce convoi que les troupes françaises eussent escorté mais le général Jeanningros avait exigé que la garnison de Matamores tendît la main à ses troupes. Seize cents Mexicains étaient alors sortis sous les ordres du général Olvera, étaient tombés au milieu de différens corps libéraux qui s’étaient réunis à l’improviste au nombre de quatre mille hommes et avaient été complètement détruits. Le général Mejia ne disposait plus dès lors que de quatre cents hommes, ce qui était insuffisant pour défendre la ville. Il avait appelé à lui la garnison de Bagdad, mais il se privait ainsi de ses communications entre Matamoros et la mer, car il n’était pas douteux que l’ennemi n’occupât Bagdad. L’Adonis expédié de Vera-Cruz en toute hâte, n’eut pas à secourir Matamoros. Quand il arriva, la ville venait de se rendre. Elle avait été investie le 23 juin, et presque aussitôt une partie des lignes avait été abandonnée par la garde nationale chargée de les défendre. A ce moment, le général la Gazza, qui commandait les troupes ennemies sous les ordres de Carbajal, avait envoyé à Mejia une sommation de se rendre, affirmant qu’il n’y aurait aucun désordre et que les propriétés seraient respectées. Une députation du commerce avait appuyé cette sommation près du général en lui faisant observer que, puisqu’il ne pouvait résister efficacement, il fallait éviter que la ville ne fût prise d’assaut. Le général s’était refusé énergiquement à rendre la ville à Carbajal, tout en se déclarant prêt à traiter avec Escobedo ou un chef honnête du parti libéral. Le général Getty lui ayant proposé des vapeurs pour le conduire, ainsi que sa garnison, à Bagdad, il avait refusé en se disant assez fort pour opérer sa retraite par terre avec les soldats qui lui resteraient fidèles. Il avait répété à plusieurs reprises et d’un air belliqueux