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de se comporter habituelle des Mexicains qui s’étaient ou se disaient ralliés à l’empire. Partout ailleurs, ils ne montraient dans le Sud qu’une inertie pleine d’embûches. Du reste, la nouvelle, venue d’Europe, d’une prochaine évacuation du Mexique par les Français, les remplissait, à bon droit, d’inquiétude. Ils s’étaient assez avancés, ne voulaient point se compromettre davantage. L’expédition projetée par le Yucatan contre le Tabasco était complètement abandonnée. Les matelots levés avaient été congédiés, les vivres amassés, vendus. Le général Casanova, qui commandait à Campêche, déclarait qu’il n’avait d’ordre, ni de Vera-Cruz, ni du gouvernement mexicain, pour faire l’expédition. Il ajoutait, avec la mauvaise foi qu’on met aux justifications difficiles, qu’il n’avait pu compter sur le concours de la marine française. Cela n’était pas vrai. Il s’était bien gardé de demander ce concours, car il savait d’avance qu’il lui serait acquis et que les bâtimens en station à Carmen et à la Frontera n’eussent pas manqué de suivre les opérations de près et de soutenir les impériaux. Il semblait, au contraire, avoir agi de manière à reculer indéfiniment l’expédition. Après avoir dispersé les troupes et les vivres, il objectait qu’il n’était plus prêt et que la saison était trop avancée. Pressé par le commandant Cloué, qui, même alors, ayant ses canonnières disponibles, jugeait encore possible l’entreprise contre Tabasco, il proposait, loin d’aller en avant, d’évacuer Jonuta et d’en établir la garnison à Palizada. Avoir Jonuta, c’était tenir Palizada, mais la réciproque était fausse, car l’ennemi, maître de Jonuta, empêchait toutes les coupes de bois de descendre à Palizada et de là à Carmen. Était-ce donc une avance que la prévoyante prudence du général Casanova faisait aux libéraux? On était porté à le croire. Un peu plus, on l’eût su, car le commandant Cloué, en transmettant ces hésitations du général au maréchal Bazaine, se disait prêt à appuyer le Yucatan s’il voulait marcher. Il ne fallait qu’un ordre décisif venant de Mexico et il n’eût peut-être pas été trop tard pour que Tabasco fût soumis. L’ordre ne vint pas. Il était dit que les influences occultes, qui avaient jusqu’alors protégé le Tabasco, s’exerceraient même à cette heure où, tout triomphant, l’état souverain de Tabasco promulguait, par la bouche de Garcia, un décret d’expulsion contre les Français établis sur son territoire.

Le parti qui, à Mexico, plaçait ses meilleures espérances dans la fortune possible du maréchal et rêvait pour lui de chimériques destinées, voyait sans ennui la prochaine évacuation du Mexique par les troupes françaises. Il ne songeait tout au plus à les retenir que le temps nécessaire à l’accomplissement de cette révolution électorale qui était le but de ses efforts et qu’elles pouvaient appuyer de leur présence. Les prétentions du Tabasco ne l’offusquaient pas.