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soldats de Camacho avaient disparu, soit par suite du dénûment où ils se trouvaient, soit à cause de la perspective de ce qu’ils auraient à souffrir plus tard. Ils apprenaient, en effet, que, pendant la saison des pluies, la ville de Tlacotalpam était inondée au point que les rez-de-chaussée devenaient inhabitables et qu’on ne circulait plus qu’en pirogue. Il était donc nécessaire d’installer confortablement et solidement la garnison de Tlacotalpam, si on ne voulait qu’elle désertât tout entière dès que nous ne serions plus là.

Dans ce double dessein, le commandant Cloué avait écrit au commandant Kmarec et faisait abattre le bois taillis qui entoure la ville. C’était là un travail considérable, car il fallait au moins un espace libre de 200 mètres en dehors des maisons, et la longueur de la ville était environ de 2 kilomètres. On prenait en même temps le Conejo, et c’étaient les compagnies de débarquement de la Tisiphone et de l’Adonis qu’on chargeait de cette besogne, en les renvoyant à Vera-Cruz rejoindre leurs bords. Elles descendirent la rivière sur la Tactique, et, le 2 avril, s’arrêtèrent au Conejo, où se trouvaient déjà la Pique et la chaloupe à vapeur l’Augustine. Le débarquement des compagnies s’opéra au pied même de la position, et le capitaine Berge, de l’infanterie de marine, qui avait fait l’expédition des années précédentes, servit de guide aux assaillans pour gravir les hauteurs par les sentiers sous bois. En moins de cinq minutes, on fut maître du Conejo. L’ennemi n’y avait laissé qu’un petit poste d’observation, qui s’était replié à l’arrivée des bâtimens. On n’y trouva qu’un vieux canon en fer, trop lourd pour qu’on l’emportât, et qui fut précipité du haut de la falaise en bas, sans tourillons ni bouton de culasse. Les autres canons, qui étaient sans doute sur affûts roulans, avaient été emmenés à l’intérieur et peut-être enterrés. On ne trouva qu’un affût brisé à quelque distance du Conejo. Malheureusement cette position du Conejo, qui domine la rivière, est dominée elle-même par une série de collines à l’intérieur et était par suite impossible à défendre, à moins qu’on n’y mît beaucoup de monde et qu’on n’établît autour des ouvrages fortifiés.

On chassait aussi des partis ennemis qui s’embusquaient hardiment aux environs de Tlacotalpam. Dans la nuit du 2 au 3 avril, le commandant Cloué envoyait deux embarcations armées en guerre et trente tirailleurs algériens au village de Santa-Rita, de l’autre côté de la rivière, où s’étaient établis quarante cavaliers dans le dessein d’enlever ceux de nos gens qui allaient à la recherche des provisions. Les tirailleurs surprenaient et tuaient un factionnaire, puis essuyaient une décharge en abordant le village, où ils tuaient encore une autre sentinelle. Mais l’ennemi, dont les chevaux étaient restés sellés, venait de quitter la place. Une seconde expédition,