Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’Adonis dès lors n’avait plus qu’à attendre le Tartare, dont le rôle se réduisait à surveiller Bagdad et à le protéger au besoin.

A quel sentiment les Américains venaient-ils de céder? Avaient-ils voulu revenir sur l’acte vraiment odieux de l’invasion de Bagdad, ou s’étaient-ils inquiétés des vivacités et des préparatifs du maréchal? Savaient-ils que le Lutin, partant en même temps que l’Adonis, portait une dépêche que le capitaine devait remettre au commandant en chef des troupes américaines sur la frontière du Texas, si ses forces occupaient encore Bagdad? Il est plus probable que l’action diplomatique du cabinet de Washington se faisait sentir au Texas comme celle du cabinet français s’était manifestée dans les derniers événemens. Le gouvernement de l’empereur Napoléon avait reçu, en effet, les assurances officielles que, malgré les sympathies avérées des généraux qui commandaient au Texas pour les ennemis de la cause que nous soutenions, il n’y aurait point intervention des États-Unis dans la question mexicaine. Ces assurances négociées entre les deux cabinets recevaient leur exécution.

Le départ de nos forces pour le Nord avait laissé le Midi libre, et le Tabasco en avait profilé pour commencer les préparatifs d’une expédition contre le Yucatan. L’expédition s’organisait dans le Tabasco, le Chiapas et à Minatitlan. Les libéraux comptaient opérer un soulèvement dans le Yucatan à l’aide des nombreux adhérens qu’ils y avaient. Alejandro Garcia et les Chiapanteros avaient promis des troupes pour le mois de février. Ces troupes, se joignant à celles du Tabasco, devaient battre le canton de Jonuta, piller Palizada, passer par Marmontel et Champoton et, de là, soulever le Yucatan. Les libéraux de Campêche étaient prêts, et Alejandro Garcia était à San-Juan-Bautista pour régler toutes les dispositions.

D’un autre côté, Arevalo, qui était à la Havane, songeait à un coup de main sur Carmen. Il avait toutefois offert ses services aux Tabasqueños, qui ne les avaient point acceptés; mais cette fois Pratz, à San-Juan-Bautista, était d’avis de l’accueillir pour opérer une diversion utile à l’intérêt général.

C’en était trop, et les ménagemens qu’on avait eus jusqu’alors pour le Tabasco ne pouvaient aller jusqu’à le laisser libre de reconstituer à son profit seul toute une république fédérative au sud du Mexique, tandis que notre domination était ailleurs si précaire et tellement battue de tous côtés d’ennemis secrets et acharnés. Mais que faire? En revenir à ce projet si longtemps controversé d’une expédition contre le Tabasco était un coup bien décisif. Le Tabasco était fort, et avec nos forces partout éparpillées et à toutes distances, relativement nous étions faibles ; puis il en coûtait de frapper cruellement et sans retour des gens qui n’avaient pas semblé