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Il paraît avoir été entraîné à cette mesure par l’avis qu’il avait reçu que d’autres devaient s’en emparer. L’amiral du Petit-Thouars préparait de nombreuses dépêches pour le gouvernement, et elles ont dû partir par le navire le Vicomte de Chateaubriand. Ma correspondance de Lima, qui m’est parvenue par Panama, a devancé ce navire.

« Je comprends toute l’importance de la nouvelle que je vous transmets, et, si nul autre que moi ne l’a reçue, vous pouvez assurer M. l’amiral Roussin que je ne la communiquerai à nulle autre personne que vous.

« Recevez, etc.

« Roux DE CLAUSAY. »


La nouvelle était exacte. Après avoir pris possession, au nom de la France, le 1er mai 1842, de l’île Touata et du groupe sud-est des îles Marquises, le 2 juin suivant de l’île Nukahiva et du groupe nord-ouest, le contre-amiral du Petit-Thouars s’était rendu à Tahiti, Pomaré IV s’y débattait au milieu d’inextricables difficultés. Née le 28 février 183 3, elle avait épousé, en 1834, Ariifaité, le plus bel homme de son royaume, mort en 1873. Son autorité, mal assise, était contestée par quelques-uns des chefs principaux ; à ces embarras intérieurs s’ajoutaient les querelles religieuses et les convoitises inavouées des grandes puissances maritimes. L’occupation par la France des archipels voisins décida la reine à recourir à une mesure extrême qu’elle considérait comme une mesure de protection. Le septembre 1842, elle adressait à l’amiral du Petit-Thouars la lettre suivante :

« Parce que nous ne pouvons continuer à gouverner par nous-mêmes dans le présent état de choses, de manière à conserver la bonne harmonie avec les gouvernemens étrangers, sans nous exposer à perdre nos îles, notre autorité et notre liberté, nous, les soussignés, la reine et les grands chefs de Tahiti, nous écrivons les présentes pour solliciter le roi des Français de nous prendre sous sa protection aux conditions suivantes :

« 1o La souveraineté de la reine et son autorité et l’autorité des chefs sur leurs peuples sont garanties ;

« 2o Tous les règlemens et lois seront faits au nom de la reine Pomaré et signés par elle ;

« 3o La possession des terres de la reine et du peuple leur sera garantie. Les terres leur resteront. Toutes les disputes relativement au droit de propriété ou des propriétaires des terres seront de la juridiction spéciale des tribunaux du pays ;

« 4o Chacun sera libre dans l’exercice de son culte ou de sa religion ;