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la pierre. » Lambin, incapable par son âge et par ses infirmités de servir la république, continuait, pour « n’estre vu seul cessateur et ocieux, » à enseigner le grec dans les salles désertes du collège.

Charpentier blâme les professeurs, ils étaient deux, je crois, qui, plus soucieux de leurs élèves que de la chose publique, n’ont pas interrompu leurs leçons. Il déclare, sans les injurier, qu’il ne veut rien avoir de commun avec eux.

Avant de le condamner trop sévèrement, il est juste d’ajouter que le collègue, attaqué beaucoup moins vivement qu’on ne le dit, avait, cette année même, dans son discours d’ouverture, adjuré les écoliers de se défier de ceux qui « prononcent de grands mots, qui sans cesse ont Aristote à la bouche et n’en comprennent pas trois mots, qui produisent de pures balivernes et de pures inepties, qui sont arrogans sophistes et qu’il faut fuir d’une course rapide. » Lambin ne nomme personne, mais Charpentier, sans être trop susceptible, pouvait prendre pour lui ces injures.

Charpentier ne se contente pas de hâter par ses vœux le jour oh la république chrétienne en France et dans le monde entier pourra réaliser parfaitement son imité idéale.

Ce jour est loin encore. Charpentier ne l’a hâté ni par ses vœux ni autrement. La dédicace au président Brulard, en tête d’un livre sur Platon et Aristote, vaut à Charpentier cette accusation étrange, elle est fort courte. Ceux qui voudront prendre la peine de la lire, le plaisir plutôt, car elle est très élégante, n’y trouveront, j’ose l’affirmer, aucune pensée digne de blâme, aucun mot qu’on ne doive approuver.

A la page 268 du livre, les citations se pressent, et l’auteur termine par cette exclamation ce qu’il nomme les déclamations sanguinaires de Charpentier :

Dans ces injures, dans cette audace croissante, dans ces violentes et incroyables menaces, qui ne reconnaît l’esprit de la ligue?

Les phrases citées préparent mal à une telle conclusion. On n’y trouve ni injures, ni menaces, ni scandaleuse audace. Plus d’une citation isolée d’ailleurs prendrait en sa vraie place un sens entièrement opposé. Citons quelques exemples :

Vous me traitez de séditieux ; cette injure venant de vous m’est un titre d’honneur.

Charpentier, nommé professeur au Collège Royal, collègue de Lambin et non candidat, est allé lui faire une visite de politesse. Lambin l’a mal reçu et traité de séditieux : « Bonne parole dans ta bouche, répond Charpentier, et dont je me console en pensant que tu l’appliques à tous ceux qui, soumis à la vieille discipline, s’efforcent d’éteindre la sédition. »