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des blessés et des tués, des maisons pillées. L’ordre ne s’était rétabli que grâce à l’énergie du général de Montesquiou. Appelé au commandement de l’armée du Midi, chargé d’observer les troupes sardes qui menaçaient d’entrer en France par la Savoie, il avait dû retarder son départ, suspendre les assemblées primaires et prendre des mesures rigoureuses pour disperser « la bande noire » et rétablir la paix publique. Mais, victimes d’excès de toute sorte, tels que menaces brutales et visites nocturnes, royalistes et catholiques, irrités contre la révolution, appelaient la délivrance.

Dans une autre ville de ce même département de l’Hérault, à Lunel, la situation était pareille, amenait des incidens analogues. Désarmés et opprimés par la municipalité, insultés par les paysans des villages protestans de la Gardonnenque, lesquels venus, le jour de la Toussaint, avides de pillage, avaient voulu fermer leurs églises et les contraindre à aller à la messe des prêtres assermentés, les catholiques criaient vengeance.

A Yssengeaux, dans la Haute-Loire, la population était en majorité dévouée à la couronne et prête à faciliter la marche de l’armée royale sur le Puy, où l’on pensait trouver des canons, des fusils, des munitions, des ressources variées et abondantes.

A Mende, dans la Lozère, les chefs royalistes tenaient encore les fonctions municipales. Le procureur-général-syndic, le commandant de la gendarmerie, appartenaient au parti. Ils correspondaient avec Villefort, où s’étaient réfugiés, ainsi que sur d’autres points de la province, beaucoup de prêtres réfractaires. L’évêque, Mgr de Castellane, avait refusé de prêter serment à la constitution civile et quitté son siège. Il s’était réfugié dans son château de Chanac, vieille demeure féodale, à quelques lieues de Mende. De là, il avait adressé à ses diocésains une lettre pastorale dont le tribunal de Florac s’était ému au point de mettre le vénérable prélat en accusation. Sauvé par l’amnistie du 24 septembre des effets de ce décret, considéré comme démissionnaire, il restait à Chanac, où des paysans armés à ses frais s’exerçaient au maniement du fusil dans la cour de son château sous la surveillance d’un ancien membre des états-généraux, le notaire Charrier, maire de Nasbinals, petit village situé au-delà de Marvejols, sur le plateau des montagnes d’Aubrac.

Toutes ces villes se donnaient la main. Elles avaient leur centre d’opération dans le Vivarais, en pleine vallée de Jalès, où les royalistes occupaient le château de ce nom, siège de leurs premiers rassemblemens, et celui de Bannes, antique et superbe résidence seigneuriale de la famille du Roure, planté sur des rochers escarpés, à l’entrée d’un gros bourg. Elles étaient prêtes, disait Claude Allier, à se lever à la voix du chef qui s’adresserait à elles au nom du