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et donné satisfaction à l’esprit français frondeur, inquiet et jaloux.

Montlosier, par certains côtés de son caractère énergique et hardi, leur ressemblait. Il échoua cependant dans ses tentatives; c’est qu’il se trompa d’époque. Il vivait dans son cerveau avec une société chimérique, empruntant à l’ancien régime les lambeaux de sa robe mise en mille pièces et voulant les ajuster sur les épaules de la société nouvelle. La révolution avait créé l’individu, le laïque, et elle n’avait assigné à l’état d’autre fonction que celle de faire respecter les droits de chaque citoyen. Lamennais et de Maistre avaient bien compris qu’il devait alors s’opérer au sein de l’église une concentration de force et de résistance inconnue depuis le moyen âge. L’éducation de Montlosier, ses antécédens, ne lui avaient pas donné cette perspicacité que le génie supplée. Avec une bonne foi incontestable, il était resté ce qu’il était à l’âge de trente-cinq ans.


II.

Une autre école se fondait, représentée par un groupe de jeunes écrivains, philosophes, littérateurs, publicistes, apportant dans l’examen de toutes les questions qui passionnaient les générations au milieu desquelles ils vivaient un souffle de rénovation vraiment libéral. Ils étaient une douzaine d’hommes, tous destinés à jouer dans leur pays un grand rôle et à laisser un nom, Théodore Jouffroy, Rémusat, Tanneguy-Duchâtel, Vitet, Dubois, et nous en oublions. Ils avaient créé le Globe.

Chacun des actes de Montlosier, de même que chacune des publications de Lamennais, avaient été l’objet des appréciations indépendantes de cet important journal. Ne satisfaisant souvent personne, au milieu des colères et des surexcitations, applaudi ou injurié tour à tour par les violens de droite et de gauche, il n’en continuait pas moins son œuvre, supérieure à son époque. Cette revendication du gallicanisme aussi bien que le triomphe prochain des doctrines ultramontaines avaient été jugés par les écrivains dont nous parlons à un point de vue peu compris et si digne pourtant de l’être, celui de la liberté. Dès les premiers momens du combat, dès la publication du livre de Lamennais sur les Rapports de la religion avec l’ordre politique et civil, ils lui avaient dit : « Vous aurez beau faire; vous pourrez réorganiser la discipline; mais ce n’est pas seulement avec un changement de méthode que vous ferez une révolution dans les idées ; il faut des hommes supérieurs; il faut de la foi. »