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a été ou a paru être dans une violation de formes. Certainement c’est quelque chose que cette violation. Toutefois, si la France était composée comme les États-Unis, ou même comme tel état schismatique ou protestant, je ne mettrais pas beaucoup de zèle à cette question des jésuites.

« Les jésuites ne sont pour moi qu’un indice, mis en évidence, de cet envahissement général du parti prêtre. Le général Sébastiani a seul bien vu cette question, quoiqu’il l’ait traitée suivant moi hors de propos et inconsidérément. On croit que le parti prêtre a toutes ses racines dans les faiblesses d’un roi pieux ? Ce n’est pas vrai. Il a ses racines dans la politique aussi bien que dans la religion. Si vous en exceptez M. de Damas, M. de Doudeauville, et M. de Clermont-Tonnerre, les ministres ne tiennent pas par religion à ce parti; ils y tiennent par politique. Tandis que le ministère et le roi sont ainsi engagés, les deux partis de l’opposition ont-ils des vues bien arrêtées sur l’intérieur de la France ? Nullement. Je vous citerai en première ligne M. de Labourdonnaie. J’ai causé deux fois avec lui. Il a de M. de Villèle sous le nez; voilà tout. Tout ce qui se passe dans la sphère de cet horizon de haine l’occupe et l’agite. Chateaubriand et Hyde de Neuville ne me paraissent plus guère en avant. Agier, concurremment avec eux, voulait absolument me faire supprimer le moi parti prêtre ; Hyde de Neuville en était surtout fâché...

« Il n’y a de force politique que dans le clergé, parce qu’il n’y a que là des combinaisons politiques. Cette combinaison est très forte; elle est très liée. Vous avez beau parler de dédain et de dégoût; pendant longtemps encore la France subira tout. Cela durera jusqu’à une commotion qui éclatera par accumulation de fautes, au premier moment où les circonstances, déterminant quelque parti extrême, détermineront en même temps une résistance extrême. Je ne pourrai vous dire à quel point je voudrais écarter cet horrible avenir... Il faut sauver le roi; il faut sauver aussi M. le dauphin et M. le duc de Bordeaux. »

Et quelques semaines après, dans une autre lettre non moins prophétique, nous lisons :

« J’ai pour pensée première que la monarchie, la religion et la société sont en danger. La cause de ce danger est dans une désaffection générale, déterminée par plusieurs motifs, dont le principal est l’accroissement d’action qu’on cherche à donner au clergé. »

Le ministère vivait péniblement, et trois de ses membres les plus importans, MM. de Villèle, Corbière et de Peyronnet, avaient, à l’ouverture de la session de 1828, remis leur démission entre les mains du roi. Le comte Portalis et M. de Martignac entraient