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Deux jeunes avocats, qui devaient figurer plus tard avec honneur dans nos assemblées républicaines, M. Dupont, de Bussac, et M. Guichard, de l’Yonne, se séparèrent alors des théories que M. Dupin avait savamment extraites de l’ancienne législation romaine. Ils discutèrent avec bon sens et courage toutes les exagérations doctrinales et censurèrent sévèrement les définitions de la liberté qu’on avait tirées plaisamment du Digeste. Leurs opinions politiques n’étaient pourtant pas douteuses, mais les armes employées étaient, à leurs yeux, rouillées; la charte, en proclamant la liberté des cultes et de la presse, avait, suivant eux, permis de penser et de raisonner librement, même en matière de culte. La déclaration de 1682, qui imposait au catholicisme des restrictions, leur semblait virtuellement abrogée, et les remèdes proposés par leurs confrères ne leur paraissaient ni sûrs, ni efficaces. Cette exception nous a semblé digne d’être signalée à une époque et dans un milieu où les passions n’admettaient pas de nuances.


III.

Montlosier, soutenu par le barreau, n’hésita plus à dénoncer aux cours royales le système religieux et politique qu’il avait déjà signalé. La dénonciation fut publiée fin juillet 1826. Le volume contenait, comme préface, des observations sur le dernier écrit de M. de Bonald.

La dénonciation s’adressait au président, aux conseillers membres de la chambre d’accusation, et à tous messieurs les conseillers à la cour d’appel de Paris. La forme est à la fois archaïque et solennelle. Évidemment l’écrivain avait, malgré lui, des réminiscences du langage même des parlemens. L’acte fut déposé en double, le 16 juillet, au greffe et au parquet.

Aux faits anciens et déjà connus Montlosier ajoutait, comme attentatoire aux droits de la couronne et aux lois de l’état, l’adresse au roi signée par plusieurs évêques, parce qu’elle ne mentionnait pas la déclaration du clergé de 1682; il dénonçait aussi l’omission de l’enseignement des quatre articles dans les écoles et séminaires. Il concluait en disant qu’il était d’autant plus urgent de pourvoir à ces scandales que, dans plusieurs occasions et notamment dans des mandemens, les autorités ecclésiastiques avaient paru, ou dédaigner, ou même censurer des arrêts de la cour. L’honneur judiciaire était ainsi fort habilement engagé. Montlosier était accouru à Paris pour payer de sa personne dans la bataille. La presse libérale l’aiguillonnait en lui donnant d’enthousiastes louanges.

Le 16 août, la cour royale tint à huis-clos une assemblée générale des chambres pour délibérer sur la Dénonciation. La troisième