Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

protestation de fidélité joignaient beaucoup de plaintes de moi, a jugé à propos, par un arrêt du conseil des ministres, de me rayer des affaires étrangères et de donner ainsi satisfaction au nonce et aux évêques, et en même temps de faire poursuivre l’abbé devant les tribunaux. Selon moi, il doit être acquitté ou condamné à la peine la plus légère ; car, d’un côté, il n’a aucun office de prêtre ; de l’autre côté, il n’en a aucun dans l’instruction publique. Il rentre ainsi, comme simple individu, dans la catégorie générale des Français à qui la charte a accordé la liberté de la presse. C’est vers les collèges, les séminaires, les universités, le recteur, inspecteurs et professeurs qu’il faudrait tourner sa sévérité et sa surveillance. C’est ce qu’on ne fait pas, c’est ce qu’on ne veut pas. Je reviens à la soustraction de mon traitement. Ne vous en alarmez pas. Mes affaires avaient été prévues en conséquence. Quand vous serez ici, si vous venez me voir, je pourrai vous donner une omelette.

« P.-S. — Mandez-moi tout ce que vous savez, si la consultation des quarante-cinq avocats de Paris se conduit comme il me paraît. Elie pourra fournir un second volume, à la tête duquel je mettrai environ cent pages de nouvelles observations en réponse générale à toutes les critiques. »

Les avocats s’étaient en effet réunis. M. Dupin, malgré son aventure de Saint-Acheul, avait pris l’initiative. Il rédigea la plus importante des consultations et la soumit à la signature de ses confrères. Au nombre des adhérens nous trouvons la plupart des hommes du palais qui devaient jouer un rôle sous la monarchie de juillet, Persil, Merilhou, Barthe, Philippe Dupin, Delangle, Lanjuinais, Portalis, Plougoulm, puis M. Berryer père. M.M. Berville et Renouard, bien connus par leur caractère libéral autant que par leur haute raison, n’adhérèrent qu’avec des réserves. M. Isambert, avocat à la cour de cassation, fort ardent dans ses convictions, avait proposé une consultation particulière, à laquelle se joignirent MM. Bouchené-Lefer, Crivelli, Dutrone et Charles Lucas. Pour ne citer que les manifestations les plus importantes des barreaux de province, nous rappellerons celle des avocats de Bourges et de Limoges. Tous reconnaissaient, avec d’intéressantes distinctions, le droit de M. de Montlosier à une dénonciation solennelle.

La vigueur avec laquelle les principes de la déclaration de 1682 étaient défendus par les hommes de loi, témoignaient une fois de plus de la nature même du gallicanisme. Plus ils s’attaquaient avec véhémence à ce qu’ils nommaient, comme Montlosier, le jésuitisme et le parti prêtre, plus la majorité du clergé semblait refuser de les suivre sur le terrain religieux, qui cependant avait été réservé toujours dans les termes les plus respectueux.