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de ses croyances, par l’austérité de son caractère, M. Lainé avait une incontestable autorité sur ses collègues. Après avoir rendu hommage à l’évêque qui saurait maintenir, comme d’Aguesseau, des règles qu’il enseignait comme Fleury, il exprima le regret de n’avoir pas la même sécurité au sujet d’une congrégation fameuse. Toutefois il écartait ses craintes, à cause de l’espoir qu’il puisait dans le discours du ministre que les jésuites ne seraient rétablis, s’ils devaient l’être, que par une loi. Qui dit loi, dit discussion et publicité.

L’incident n’aurait pas eu plus d’éclat si Mgr de Frayssinous, dans une réplique, après avoir essayé de diminuer l’importance des établissemens dirigés par des jésuites, n’avait dit qu’ils étaient tolérés. Ces mots furent effacés dans le compte-rendu officiel, et les phrases suivantes y furent seules maintenues :

« Nous ignorons quelle sera, particulièrement en Europe, la destinée de cette société. Chose unique, je crois, dans les annales des ordres monastiques, après avoir été, je ne dis pas réformée, mais détruite par un pape, elle a été rétablie par un autre pape, Pie VII, de vénérable et sainte mémoire. Doit-elle de nouveau prendre racine dans les divers états qui l’ont reconnue? ou bien, après être sortie du tombeau, doit-elle y rentrer? C’est le secret de la sagesse divine. Mais si jamais il était question de s’occuper d’elle législativement, c’est alors qu’il faudrait approfondir les choses en se dépouillant de tout préjugé et de toute passion. »

La défense du gallicanisme parut insuffisante à la majorité de la haute chambre, et ce mot toléré, prononcé si imprudemment et si imprudemment retiré, amena à la tribune M. Pasquier. C’était le dernier représentant des anciennes traditions quelque peu jansénistes de ce grand parlement de Paris, dont il avait été membre. Une proposition de dégrèvement était à l’ordre du jour, mais M. Pasquier introduisit comme accessoire la question débattue la veille. Il s’étonna qu’on pût tolérer l’existence d’une société qui ne pouvait être autorisée que par une loi, et sans vouloir suivre l’évêque d’Hermopolis dans les régions où il s’était élevé, il termina en disant «que, s’il essayait d’entrevoir l’utilité dont pourrait être un jour le rétablissement légal des jésuites dans notre pays, il demanderait quels services l’état et la religion en avaient reçus. » Ainsi s’exprimaient, en 1826, les défenseurs de l’ancienne église de France et ceux qui y étaient restés attachés autant par habitude d’esprit que par tempérament. Le nouveau clergé ne les écoutait pas.

Ce fut la bourgeoisie, et spécialement les avocats et les magistrats, ses guides et ses lumières, qui menèrent hardiment le combat. Le Mémoire à consulter était devenu leur chose propre. Le