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nouvelle. L’école religieuse, représentée par Mgr de Frayssinous, était dans une situation fausse. Elle voulut, par des actes, témoigner son existence. L’ouvrage de Lamennais, de la Religion considérée dans ses rapports avec l’ordre politique et social, était venu à point pour motiver les tempêtes soulevées par Montlosier. Il fut décidé que l’écrit de l’éloquent ultramontain serait poursuivi devant les tribunaux, comme si l’état pouvait enjoindre de professer les mêmes sentimens, et comme s’il n’y avait pas une véritable antinomie entre une foi d’état et la liberté de religion établie par la charte ; mais ces inconséquences ne frappaient alors que peu d’intelligences élevées. On résolut ensuite de solliciter de l’épiscopat une déclaration qui témoignerait aux yeux de tous que les évêques français n’acceptaient pas les doctrines de Lamennais. Enfin l’évêque d’Hermopolis, à propos de la discussion du budget des affaires ecclésiastiques, devait faire un exposé général des doctrines de Bossuet et de Fleury.

Après une admirable plaidoirie de Berryer, qui débutait, Lamennais fut condamné à 30 francs d’amende. Il faut lire sa correspondance pour juger de l’exaltation de son esprit. « Je comparaîtrai, écrivait-il le 1er avril 1816 au comte de Senft, je comparaîtrai sans crainte ou plutôt avec une grande joie, parce que c’est le prêtre qui se présentera pour parler en prêtre. » Et quelques semaines plus tard, dans une lettre à la comtesse, il ajoutait : « Jamais on ne relèvera l’ancien édifice, et sous presque aucun rapport il ne serait à souhaiter qu’on le relevât. »

Le procès n’avait satisfait personne, pas plus les amis que les ennemis, et le condamné ne fit que s’opiniâtrer davantage dans ses doctrines alors si peu libérales.

La déclaration épiscopale provoquée par le gouvernement n’eut pas plus de succès. Quatorze archevêques ou évêques présentèrent, le 12 avril, une adresse au roi. Mais les temps étaient tellement changés, que la plupart des adhésions s’arrêtèrent à l’article premier des quatre propositions de l’assemblée du clergé de 1682, celle qui consacrait l’indépendance du pouvoir temporel. Quant aux articles qui mettaient l’autorité des conciles généraux au-dessus de celle du pape, bien que la majorité de l’épiscopat se crût encore gallicane, elle n’osa pas y adhérer formellement. Lamennais avait bien tort de désespérer; il avait plus qu’il n’espérait créé et organisé un parti rêvant avec lui l’idéal d’une société purement catholique, se serrant de plus en plus autour de Rome, et rejetant bien loin la consécration d’une religion nationale et particulière.

Arriva enfin à la chambre des députés la discussion du budget des cultes.

L’évêque d’Hermopolis venait de faire réimprimer son livre :