Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Puy-de-Dôme, M. d’Allonville, l’avait un instant occupé tout entier. A mesure que l’âge croissait, il se passait en lui un phénomène souvent observé. Il revenait aux fortes impressions de sa jeunesse, à ce qu’il était au moment suprême de sa vie publique, quand il siégeait à la constituante et quand il entendait la voix éclatante de Mirabeau. Comme la majeure partie du tiers-état et de la noblesse d’alors, il gardait vis-à-vis de l’église autant de liberté que de respect.

L’ancienne société française, mi-partie sceptique, mi-partie dévote, mélange de contradictions inexplicables en théorie, avait trouvé dans le gallicanisme une sorte de modus vivendi qui lui suffisait. Au fond, pour tout esprit impartial, c’était moins une religion qu’une manière de gouverner la religion. Peu soutenable en principe, on peut le concéder, le gallicanisme était un moyen de remédier aux tentatives d’empiétement du clergé, une sorte de transaction entre la puissance civile et la puissance ecclésiastique.

Qui peut s’étonner, lorsqu’on s’est bien pénétré du vieil esprit français, de la persistance avec laquelle des chrétiens sincères, d’une austérité irréprochable, repoussèrent dès lors l’influence de doctrines autant politiques que religieuses? Les anciens parlemens avaient, en disparaissant, légué sur ce point leurs traditions aux esprits modérés de la révolution; plus d’un membre de la magistrature nouvelle devait à son tour les recueillir; toute une corporation laïque, l’université, devait essayer de les perpétuer et les commenter par ses études historiques et par son enseignement.

Pour se rendre compte avec équité de l’état des âmes dans ces mémorables années du règne de Charles X, il faut lire, non pas les historiens libéraux et les livres ou les journaux qui défendaient la révolution, mais les Mémoires de M. de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville, les papiers de M. de Villèle, les ouvrages de M. de Bonald, les premières œuvres de Lamennais, les discours des membres du côté droit à la tribune des deux chambres, la collection du Drapeau blanc et de la Quotidienne et l’Histoire de la restauration, par Alfred Nettement.

Charles X était très honnêtement resté le comte d’Artois. Suivant son mot célèbre à Lafayette, il n’y avait que deux personnes en France qui n’eussent pas changé, l’ancien commandant des gardes nationales et l’émigré de 1790. Son avènement, sa piété bien connue avaient rendu plus exigeante cette majorité qui attachait la plus haute importance à la question religieuse. Elle était devenue la première des questions politiques. Des voix s’élevaient dans la droite pour qu’on fît entrer le catholicisme dans la législation. C’était le temps où M. de Marcellus s’écriait : Nous sommes gouvernés