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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février 1881.

Un jour, il y a bien déjà de cela sept ou huit années, au temps où régnait encore l’espoir d’une prochaine restauration monarchique, un homme d’esprit, qui était la moitié d’un ministre, assurait bonnement, assez présomptueusement, que lui, et ses amis allaient faire marcher la France. C’est l’orgueil des partis qui, tour à tour, exercent, ambitionnent ou se disputent le pouvoir, de prétendre faire marcher la France, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre sens. Ceux qui l’ont essayé, il y a quelques années, ont été les dupes de leur méprise et de leur illusion ; ils ont si bien réussi que la France, échappant à leurs conseils, à leur direction, s’est jetée dans une direction tout opposée, et ceux qui, plus heureux aujourd’hui, puisqu’ils règnent, se flatteraient de la conduire dans une voie différente, avec des idées étroites et exclusives de parti, s’exposeraient infailliblement aux mêmes mécomptes. La France a résisté, il y a quelques années, au mouvement de réaction monarchique, parce qu’à tort ou à raison, elle s’est sentie violentée dans quelques-uns de ses instincts, menacée dans quelques-unes des garanties qu’elle a reçues de la révolution, et si maintenant on voulait la faire républicaine autrement qu’elle ne veut l’être, elle résisterait tout aussi bien. La vérité est que, malgré la facilité de sa nature, malgré ses résignations apparentes à bien des expériences, la France ne marche que quand elle veut, qu’elle ne se laisse conduire ou dominer, si l’on nous passe cette expression, que dans le sens de ses idées et de ses instincts, et que le jour où elle commence à se sentir contrariée, menacée, elle ne tarde pas à s’arrêter, à se retourner : elle échappe alors aux partis qui croient encore la retenir. Qu’on prenne pour exemple la situation présente, qu’on observe les signes, la direction générale des