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REVUE LITTERAIRE

A PROPOS DE LA PRINCESSE DE BAGDAD

On a largement usé, depuis une quinzaine de jours, contre cette malheureuse Princesse de Bagdad, de tout ce que la critique a de droits. Quelques-uns même, dont nous sommes, pensent qu’à vrai dire on pourrait bien en avoir abusé. Trop est trop. Le public, et surtout le public de nos premières, a de ces révoltes soudaines et brutales, comme en d’autres rencontres il aura d’inexplicables indulgences. Passons-les lui. Mais il semble que la critique, au moins, une fois sortie de la salle, où, comme tout le monde, elle vient de sentir avec ses nerfs, pût et dût se reprendre, et puisque c’est de juger qu’il s’agit, juger avec son jugement. Car il ne saurait suffire d’avoir décidé qu’une pièce est mauvaise, ni même d’avoir démontré qu’elle l’est pour telles et telles raisons, que l’on donne : il faudrait encore pénétrer un peu plus à fond, jusque dans le secret de l’auteur, et pour ainsi dire dans la confidence de ses intentions. C’en était ici le cas.

Il n’y a pas beaucoup plus d’un an que M. Dumas, dans la préface qu’il a mise à l’Étrangère, traitant de son art, nous parlait de certains « moyens grossiers, » presque infaillibles, avec cela « plus faciles qu’on ne le croit » de provoquer les applaudissemens de toute une salle et d’emporter de vive force un succès de théâtre. C’était trop dire. Le jeu du théâtre, quelque rare et longue expérience que l’on en puisse avoir, n’en reste pas moins un jeu. Le hasard y règne en maître, C’est là vraiment que rien ne permet de préjuger de rien, et qu’on n’a jamais vu, qu’on ne verra jamais d’autorité si bien affermie qu’elle ne soit à la merci, toujours, d’une épreuve nouvelle. Mais si