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Sans aller si loin, on utilise depuis longtemps dans le Hartz et en Angleterre l’aiguille coin, qu’on enfonce à grands coups de masse. Il y a le coin à pression hydraulique de Levet, il y a des machines nommées bossayeuses, qui abattent les roches ou fendent les masses houillères. L’une d’elles, inventée par Duboys-François, de l’aveu de la commission, est tout à fait comparable pour le prix et la rapidité du travail au système ordinaire ; enfin, un homme qui s’est fait l’avocat de ces procédés nouveaux, que son expérience et sa compétence défendent contre les illusions, M. Mathet, n’hésite point à déclarer dès aujourd’hui que, « dans toute mine à grisou, il sera toujours possible, pour l’abatage des charbons, de se passer du concours des matières explosives. » Le jour où ce progrès sera réalisé, l’inquiétude des ouvriers cessera et l’exploitation, au lieu de multiplier des surveillances inefficaces et des dépenses inutiles, au lieu de trembler dans la continuelle attente d’un danger possible, retrouvera la certitude et la liberté d’allures que la sécurité peut seule lui donner. Tout ne sera pas dit pourtant, elle aura encore à lutter contre un phénomène particulièrement désastreux qui se développe subitement, que rien ne fait prévoir, que rien ne peut conjurer et qui, tout à coup, comme les accidens de chemin de fer, détruit de fond en comble toute l’économie d’une mine, c’est le dégagement instantané du grisou. Ce phénomène est coupable des grands sinistres dont on a été si souvent ému, de celui qui, à Oaks Colliery, a tué 343 hommes, de celui qui en a fait périr 141 au puits de Lagrappe à Frameries et de tous ceux que l’avenir prévoit sans rien pouvoir contre eux. Il faut lire à ce sujet l’étude qu’a publiée M. Arnould, ingénieur principal à Mons, dans laquelle il a recueilli 66 descriptions d’accidens de même ordre et de même caractère arrivés dans les circonstances identiques que nous allons faire connaître.


VII

Au milieu du calme le plus tranquillisant, quand la circulation est bien établie, que le grisou est à peine signalé, les ouvriers aperçoivent une déviation lente des parois d’attaque, comme si elles étaient poussées du dedans vers le dehors, puis ils entendent un bruit sourd que les uns comparent à un vent énergique ou à un roulement de tonnerre. Tout à coup la cloison s’écroule, un effluve de grisou pur s’échappe à travers les galeries, il entraîne les ouvriers, il éteint leurs lampes, il renverse le courant d’air et finit par s’échapper par les puits. Cette espèce d’orage est tout à fait semblable à la rupture des chaudières à vapeur, il dure peu,