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qu’il avait allumé, et c’est Saulnier, miraculeusement sauvé, qui raconta naïvement, mais très précisément, comme on vient de le voir, les circonstances qui avaient précédé et causé l’accident.

Le deuxième exemple va montrer que toutes les précautions sont illusoires ; il n’en est que plus concluant.

Le 3 janvier 1869, dans la mine de Ronchamp, toutes les précautions avaient été prises. Un coup de mine détermina l’explosion et fit 7 victimes. La pression développée par la poudre se fit jour à travers une petite couche de houille inaperçue, et la roche ne fut point détachée. Ce n’est que deux mois après l’accident qu’on découvrit en ce point l’existence d’un petit soufflard, trop petit pour avoir été signalé, mais qui avait suffi pour accumuler sous le toit assez de grisou pour que l’explosion se fît. Peut-être avait-il été débouché par l’explosion de la poudre. Combien de cas semblables ont causé de semblables malheurs !

Le tirage à poudre est donc toujours une imprudence : c’est aujourd’hui l’objet de toutes les préoccupations. Ruggieri imagine des amorces à pression pareilles à celles de l’artillerie ; on recommande la poudre comprimée exempte de pulvérin, on proscrit les allumettes, on ne se sert que d’amadou ; Mac Nabb invente des cartouches enveloppées d’eau pour éteindre le feu. On propose d’enflammer toutes les mines à la fois par l’électricité en l’absence des ouvriers, on remplace la poudre par la dynamite, qui est loin d’être plus innocente, etc. Mais ce ne sont là que des palliatifs ; il n’y a qu’une solution radicale, tout le monde la cherche, l’attend et l’espère : renoncer au tirage à poudre et le remplacer par un procédé mécanique.

Il est clair que c’est là une grosse question, qu’on ne peut interdire la poudre dans un district sans la prohiber dans tous, qu’il faudrait une entente internationale, que si, d’un côté, l’intérêt humanitaire le conseille, les intérêts économiques s’y opposent, de l’autre, et l’on attend avec confiance, non sans préoccupations, que les sciences viennent renouveler par quelque invention le miracle que la lampe de Davy fit dans l’éclairage. Ce n’est point un problème qui soit insoluble ; au dire de quelques-uns, il est même déjà résolu.

Les travaux de forage à travers les hautes chaînes des Alpes ont habitué la pratique à un agent nouveau, l’air comprimé, qui peut s’introduire et qui déjà s’est introduit dans les mines pour les assainir, pour forer les trous de mine, pour conduire les chariots. On sait exercer des pressions hydrauliques jusqu’à mille atmosphères pour séparer les rochers par l’introduction d’un coin. L’électricité commence à jouer un rôle pour la transmission du travail.