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renoncer à la préparer par le broyeur Carr, comme on avait essayé de le faire en vue de tuer l’oïdium. Une explosion de poudre d’amidon s’est produite à Paris, dans une fabrique, il y a une dizaine d’années. La fine farine qui voltige dans l’air des moulins à ses dangers ; le 2 mai 1878, une épouvantable explosion a détruit l’un des plus grands moulins du monde à Minneapolis, près des chutes du Mississipi. Aussi les compagnies d’assurance imposent-elles aux meuniers des responsabilités particulières. Divers inventeurs ont même essayé de tirer parti de cette action. Niepce proposait une machine analogue à nos moteurs à gaz modernes, où la force eût été développée par l’explosion d’un mélange d’air et de poudre de lycopode. Il s’agit ici, comme on le voit, d’un fait très connu, très fréquemment observé, très rationnellement expliqué et qu’on peut résumer en disant que tout mélange d’air avec une poussière, pourvu qu’elle soit très combustible et très menue, est un mélange détonant, que le feu subitement propagé dans tous ses points dilate les gaz,.augmente la pression, renverse et projette au loin les matériaux voisins et produit tous les effets destructeurs de la poudre.

Or, s’il y a des poussières particulièrement aptes à créer ces dangers, ce sont manifestement celles du charbon, le corps combustible par excellence, et s’il y a un lieu qui en contienne une proportion redoutable, c’est évidemment la galerie d’une houillère. Elles se développent par l’abatage de la mine, par le mouvement des chariots, par tous les travaux ; elles se transportent par la ventilation, elles s’élèvent comme les poussières s’élèvent à la surface du sol dans l’atmosphère, non quand l’air est humide, mais quand il est sec ; alors il en est saturé et les entraîne jusque dans les vêtemens. Après quelques heures de séjour dans une mine, un visiteur est étonné de la prodigieuse quantité de charbon pulvérulent qu’il en rapporte, qui a souillé les plus intimes replis et qui s’est insinuée jusqu’au plus profond des poumons.

C’est un fait connu que tous les mineurs crachent noir et que cela continue pendant tout un mois après leur sortie ; beaucoup d’entre eux sont atteints d’une maladie qui leur est spéciale, la mélanose charbonneuse, sorte d’encrassement des poumons. Après quarante ans de service, il y a peu d’ouvriers qui n’en soient atteints, et la pénétration pulmonaire est si complète que si, après dix ans de retraite, un mineur est atteint d’une bronchite aiguë, il voit reparaître le charbon dans les matières expectorées.

L’air des mines est donc surabondamment chargé de poudres charbonneuses, elles se distribuent dans les galeries à l’inverse du grisou ; celui-ci plus léger monte au toit de la mine et s’y étale ;