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puits, renverse, brise et brûle tout ce qu’il trouve en son chemin. Les travaux sont anéantis, les machines détruites, et la mort a brusquement surpris les malheureux que la flamme a rencontrés. C’est là ce qu’on nomme un coup de grisou ; il est imminent quand la proportion du gaz est de 8 centièmes, il est certain si elle atteint 12 ou 15 centièmes.

Pour arriver à préserver les mines de désastres pareils, il était nécessaire d’étudier scientifiquement toutes les circonstances de l’inflammation des mélanges détonans, de chercher en particulier à quelle température ils prennent feu, quelle est la vitesse avec laquelle la flamme marche dans les galeries et quelle est la pression développée tout à coup par l’explosion. Les expériences exécutées par MM. Mallard et Lechatelier répondent à ces trois questions.

J’ai dit précédemment que l’air et le grisou mélangés pourraient demeurer éternellement en présence sans exercer d’action réciproque ; il faut, pour qu’ils prennent feu, les chauffer jusqu’à une certaine température qui a été mesurée pour plusieurs mélanges. Il s’est trouvé, par une circonstance inexpliquée, que, de tous les gaz, c’est le grisou qui exige le plus grand échauffement. Il faut le porter à 780 degrés. Il est heureux que les mines dégagent ce gaz, car si elles donnaient à sa place du gaz d’éclairage, il prendrait feu dès 550 degrés. On peut donc introduire sans danger dans les mines des corps échauffés au-dessous de 500 degrés, qui déjà seraient lumineux et serviraient à l’éclairage et qui pourtant ne mettraient pas le feu tant que leur température n’atteindrait pas 780 degrés. C’est ainsi qu’on peut y battre le briquet, brûler de l’amadou, rougir un fil de platine ; mais on ne pourrait sans danger enflammer une allumette.

Le deuxième point est relatif à la pression que l’explosion peut produire. En vase clos, elle s’élève jusqu’à six atmosphères. Or si on songe que c’est la pression moyenne d’une machine à vapeur, on voit que les choses se passeront en chaque point comme si une chaudière y crevait, et, puisque le phénomène se produit en chaque endroit, comme si une série de chaudières qui empliraient la galerie éclataient presque au même moment. On peut s’expliquer par là les désastres que nous avons décrits.

Enfin il nous reste à dire comment on a pu mesurer la vitesse avec laquelle un coup de feu se propage. MM. Mallard et Lechatelier y ont réussi par un ingénieux procédé que je vais décrire. Dans un tube de verre qui représente en petit la galerie d’une mine, on lançait un courant d’air mêlé de grisou et on l’enflammait à l’extrémité du tube, puis on réglait son débit jusqu’à ce que la flamme demeurât stationnaire en un point, sans avancer ni reculer.