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Nous avons été hier à six lieues d’ici à cheval pour visiter les grottes de Lourdes. Nous sommes entrés à plat ventre dans celle du Loup. Quand on s’est bien fatigué pour arriver à un trou d’un pied de haut qui ressemble à la retraite d’un blaireau, j’avoue que l’on se sent un peu découragé. J’étais avec mon mari et deux autres jeunes gens avec qui nous étions fort liés à Cauterets et que nous avons retrouvés à Bagnères, ainsi qu’une grande partie de notre nombreuse et aimable société bordelaise. Nous avons eu le courage de nous embarquer dans cette tanière, et au bout d’une minute nous nous sommes trouvés dans un endroit beaucoup plus spacieux, c’est-à-dire que nous pouvions nous tenir debout sans chapeau et que nos épaules n’étaient qu’un peu froissées à droite et à gauche.

Après avoir fait cent cinquante pas dans cette agréable position, tenant chacun une lumière et ôtant bottes et souliers pour ne pas glisser sûr le marbre mouillé et raboteux, nous sommes arrivés au puits naturel, que nous n’avons pas vu malgré tous nos flambeaux, parce que le roc disparaît tout à coup sous les pieds, et l’on ne trouve plus qu’une grotte si obscure et si élevée qu’on ne distingue ni le haut ni le fond. Nos guides arrachèrent des roches avec beaucoup d’effort et les lancèrent dans l’obscurité ; c’est alors que nous jugeâmes de la profondeur du gouffre, le bruit de la pierre frappant le roc fut comme un coup de canon, et retombant dans l’eau comme un coup de tonnerre y causa une agitation épouvantable. Nous entendîmes pendant quatre minutes l’énorme masse d’eau ébranlée, frapper le roc avec une fureur et un bruit effrayant qu’on aurait pu prendre tantôt pour « le travail de faux monnayeurs, tantôt pour les voix rauques et bruyantes des brigands. » Ce bruit, qui part des entrailles de la terre, joint à l’obscurité et à tout ce que l’intérieur d’une caverne a de sinistre, aurait pu glacer des cœurs moins aguerris que les nôtres. Mais nous avions joué à Gavarnie avec les crânes des templiers, nous avions passé sur le pont de neige quand nos guides nous criaient qu’il allait s’écrouler : la grotte du Loup n’était qu’un jeu d’enfant. Nous y passâmes près d’une heure et nous revînmes chargés de fragmens de pierres que nous avions lancées dans le gouffre. Ces pierres, que je vous montrerai, sont toutes remplies de parcelles de fer et de plomb qui brillent comme des paillettes.

En sortant de la grotte du Loup, nous entrâmes dans las Espeluches. Notre savant cousin, M. Defos, vous dira que ce nom patois vient du latin.

Nous trouvâmes l’entrée de ces grottes admirable ; j’étais seule en avant. Je fus ravie de me trouver dans une salle magnifique soutenue par d’énormes masses de rochers qu’on aurait pris pour