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celui de Nohant, qu’il trouve trop court à son gré. D’ailleurs nous ne voyagerons que le jour et en poste. Nous sommes donc dans l’horreur des paquets. Nous emmenons Fanchon, et Vincent, qui est fou de joie de voyager sur le siège de la voiture. Pour moi, je suis enchantée de revoir les Pyrénées dont je ne me souviens guères, mais dont on me fait de si belles descriptions. Écrivez-nous donc désormais à Cauterets par Tarbes. Hautes-Pyrénées. Ne manquez pas de nous donner de vos nouvelles, car il semble qu’on soit plus inquiet quand on est plus éloigné.

Adieu, ma chère maman, je vous embrasse tendrement et vous désire une bonne santé et du plaisir surtout ; car chez vous comme chez moi l’un ne va guères sans l’autre. Maurice est grand comme père et mère et beau comme un amour. Casimir vous embrasse de tout son cœur. Pour moi, je me porte très bien, sauf un reste de toux et de crachement de sang qui passeront, j’espère, avec les eaux.

Nous passerons deux mois au plus aux eaux, de là nous irons à Nérac chez le papa, où nous passerons l’hyver. Au mois de mars ou d’avril, nous serons à Nohant, où nous vous attendrons avec ma tante et Clotilde.


A Madame Dupin, Paris.


Bagnères, 28 août 1825.

J’ai reçu votre aimable lettre à Cauterets, ma chère maman, et je n’ai pu y répondre tout de suite pour mille raisons. La première, c’est que Maurice venait d’être sérieusement malade, ce qui m’avait donné beaucoup d’inquiétude et d’embarras. Il a eu une espèce de fièvre inflammatoire assez compliquée et frisé de très près la dyssenterie et une fièvre cérébrale. Il est parfaitement guéri, depuis quelques jours surtout que nous sommes ici et que nous avons retrouvé le soleil et la chaleur. Il a repris tout à fait appétit, sommeil, gaîté et embonpoint. Aussitôt qu’il a été hors de danger, j’ai profité de sa convalescence pour courir les montagnes de Cauterets et de Saint-Sauveur, que je n’avais pas eu le temps de voir. Je n’ai donc pas eu une journée à moi pour écrire à qui que ce soit, ce dont tout le monde me veut et dont je me veux à moi-même. Mais après avoir fait presque tous les jours des courses de huit, dix, douze et quatorze lieues à cheval, j’étais tellement fatiguée que je ne songeais qu’à dormir, encore quand Maurice me le permettait. Aussi j’ai été fort souffrante de la poitrine et j’ai eu des toux épouvantables, mais je ne me suis point arrêtée à ces misères et en continuant des exercices violens, j’ai retrouvé ma santé et un appétit qui effraye nos compagnons de voyage les plus voraces.

Je suis dans un tel enthousiasme des Pyrénées, que je ne vais