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Paris où des chevaux envoyés de Suisse vous ramenneroient. Rien n’est facile comme de sortir, et rester… ah ! Dieu !

Juste (le second fils de la princesse de Poix) est, comme vous voyez, à la campagne avec Mme de Beauvau. À l’âge de la réquisition, on veut qu’il serve et déserte, c’est la seule manière d’émigrer qui ne compromette pas ses parens. Le vieux de Lutry, c’est un homme envoyé pour questionner sur la famille de Malouet. Le fichu, c’est une manière sûre d’écrire, et vous voyez que j’attends des explications sur cette énigme : Vous ne me reverrez qu’avec elle.

Je suis mortellement inquiette pour la jeune amie (Mme de Simiane). Il faudroit bien qu’un de ses frères vînt ici avec de l’argent et envoyât un homme qui essayât pour elle ce qu’on tente pour Mme de Noailles. Mme de Poix m’a fait demander verbalement un passe-port pour elle (Mme de Simiane), avec son signalement ; mais Dieu sait s’il servira. Je ne sais pas comment les parens ne sont pas tous en Suisse ; c’est là seulement qu’il y a une chance d’être utile.

Que Charles de Noailles vous montre sa lettre (et vous lui extrairez de ceci ce qui intéresse sa mère). À la Bourbe, Mme de Simiane étoit dans une simple maison d’arrêt ; elle a passé dans une prison, c’est très inquiettant. Mme de Poix m’a fait dire aussi que Mme de Simiane craindroit en s’en allant de compromettre l’abbé de Damas (son frère). Ah ! mon Dieu ! que de vertus — et quel désespoir ! — Je ne croyois pas tant aimer Mme de Poix ; c’est à présent mon unique pensée. — Ces personnes que j’ai envoyées, c’est un homme pour la petite Narbonne, un pour Malouet, un pour Mme de Noailles. Je ne voulois pas qu’ils se concertassent avec mon pauvre Suisse qui m’écrit cette lettre. Celui-là a de l’âme, comme vous voyez, et de l’esprit. Je ne lui ai dit qu’une chose : Restez pour sauver Mme de Poix et comptez sur tout ce dont je dispose si vous y réussissez dans une époque quelconque. Vous voyez cependant tous les soins qu’il a pris pour la petite de Narbonne, et jugez par ce récit du détail des persécutions.

À présent, Verberie et la belle-sœur de votre ami, c’est Mme de Behotte, l’intérêt de Malouet, et l’ami de Berne, c’est Mallet du Pan, qui lui avoit parlé de cette famille. Mon envoyé rapportera, comme vous voyez, le résultat du voyage à Montereau ; dès que je le saurai, Malouet peut compter que j’agirai.

Voilà des détails sur la sœur de François, Mme du Cayla, qui est arrêtée à Melun, qui ne doivent point effrayer Malouet. François, quoique très bon et très spirituel, ne sait rien arranger et n’aime pas cependant que personne se mêle de ses affaires. En conséquence, il a tatillonné toute cette entreprise à lui tout seul et a adressé son envoyé à son ami, auteur de cette lettre, sans que j’en susse rien.

Dites aussi à Malouet que, si Mme de Behotte veut venir, la femme