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des assignats qui se détérioraient rapidement et dont le remplacement constituait une véritable charge pour le trésor fédéral. La chambre lui interdit de poursuivre cette opération et d’appliquer aucune partie des ressources publiques au retrait des assignats en circulation. De plus, dès les premiers jours de la session extraordinaire qui s’était ouverte, le 15 octobre 1877, un démocrate, M. Bland, avait présenté un bill qui imposait au ministère des finances de reprendre la frappe des dollars d’argent au titre de 412 grains 1/2, et qui rendait les nouveaux dollars valables pour tous les paiemens soit du trésor, soit des particuliers. Sans même attendre le vote de ce bill, quelques états de l’Ouest, notamment l’Illinois, par une véritable usurpation sur les droits du congrès, attribuèrent aux monnaies d’argent le cours légal et une valeur libératoire illimitée dans toute l’étendue de leur territoire.

Comme l’argent, au cours auquel il était alors, perdait de 8 à 10 pour 100 sur l’or, la conséquence forcée du bill de M. Bland était une banqueroute partielle. Les partisans du bill ne contestaient pas cette conséquence, mais ils prétendaient qu’elle n’était qu’une représaille légitime. Le montant des emprunts contractés par l’Ouest, soit par les états, soit par les particuliers, avait été versé en un papier plus ou moins déprécié : en rendant obligatoire le paiement en or à partir d’une date fixe, le congrès avait imposé aux emprunteurs de rembourser plus qu’ils n’avaient réellement reçu : en leur permettant de s’acquitter soit en argent soit en assignats, la nouvelle législation ne ferait que rétablir l’équilibre. Le débiteur s’attribuait donc le droit de mettre son créancier à la portion congrue ; il était impossible de faire meilleur marché des contrats. Le gouvernement américain ne pouvait point ne pas se préoccuper des conséquences que de semblables-prétentions devaient avoir nécessairement pour le crédit de l’Union. A l’ouverture de la session ordinaire, le premier lundi de décembre, le président Hayes ; dans son message, et le ministre des finances, dans son rapport au congrès, combattirent de toutes leurs forces le bill de M. Bland et les étranges théories sur lesquelles il était fondé. Le président, tout en admettant qu’il pouvait y avoir lieu de frapper des espèces d’argent et de revenir à une circulation bimétallique, protestait énergiquement contre toute atteinte aux engagement pris vis-à-vis des créanciers de l’État. « Je recommande, disait-il, que toute mesure établissant le monnayage de l’argent exempte la dette publique émise jusqu’ici du paiement, soit du capital, soit des intérêts en espèces d’une valeur moindre que la monnaie d’or actuelle du pays. » M. Sherman demandait, de son côté, « qu’une imposition expresse prescrivit