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était un vétéran du parti républicain et comptait beaucoup d’amis au sein du sénat, sa cause trouva des défenseurs zélés. Les démocrates assistaient avec une satisfaction maligne à cette querelle de ménage, et comme la plupart d’entre eux s’abstinrent à dessein de voter, M. Conkling l’emporta, et le successeur de M. Cornel ne fut pas confirmé.

Les deux autres fonctionnaires, qui n’avaient pas rendu des services aussi signalés à leur parti ou qui ne comptaient pas des amis aussi nombreux dans le sénat, furent moins heureux. L’opinion publique se prononçait pour le président ; beaucoup de gens étaient d’avis que le sénat avait fait abus du droit de confirmation que la constitution lui attribue. Ce droit lui a été donné en vue de prévenir le favoritisme et la nomination de sujets incapables ou indignes ; en s’arrogeant la faculté de rejeter même des sujets irréprochables, le sénat empiétait sur les prérogatives du pouvoir exécutif, et il pouvait, par une série d’exclusions systématiques, arriver à imposer indirectement les candidats d’une coterie politique. Sous l’empire de cette impression de l’opinion et pour constater qu’ils étaient maîtres du terrain, les sénateurs démocrates donnèrent l’appoint de leurs voix à la minorité républicaine et firent confirmer les autres candidats du président.

Le vote en faveur de M. Cornel avait eu lieu le jour même où le congrès se séparait pour les vacances de Noël. Les chambres ne reprirent leurs travaux qu’au milieu de janvier : cet intervalle avait suffi pour calmer les passions qui étaient en jeu. On avait réfléchi des deux parts, et d’activés démarches furent entreprises pour amener un rapprochement entre le président et les mécontens. Le succès de ces démarches fut rendu plus facile par les fautes du parti démocratique, qui ne tarda point à adopter, dans les questions financières et économiques, une ligne de conduite tout à fait contraire aux vues du président. Disons tout de suite que la réforme administrative fit les frais de la réconciliation. Le président se borna à maintenir en place les fonctionnaires qui se conduisaient bien et à refuser les révocations ou les déplacemens qui lui étaient demandés sans motif sérieux ; comme il s’était entouré d’honnêtes gens, que le contrôle incessant d’une chambre hostile tenait les chefs de service sur leurs gardes, on ne vit se renouveler aucun des scandales qui avaient marqué l’administration précédente et soulevé une si violente animadversion. Il ne fut plus question d’introduire de nouvelles règles pour réprimer des abus qui avaient cessé d’exister, et, grâce à l’empire des mœurs et de l’habitude, personne ne songea plus 4 s’étonner que les ministres du président, poursuivis d’attaques continuelles, préférassent pour les emplois vacans les