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arrivée à Louisville, dans le Kentucky, M. Hayes fut reçu par la plupart des gouverneurs et des représentans des états du Sud, accourus pour l’ai faire honneur. Chargé de porter la parole pour tous, M. Wade Hampton prononça à cette occasion un discours qui eut un immense retentissement. En rendant hommage à la politique conciliante du président, en faisant l’éloge de sa droiture et de sa modération, M. Wade Hampton rompit ouvertement avec les intransigeans du Sud, non moins aveugles et non moins exaltés que ceux du Nord, qui annonçaient déjà l’intention de profiter de la réunion du congrès pour mettre en question la validité des pouvoirs de M. Hayes et rouvrir ainsi un débat irritant. L’orateur ne s’en tenait pas la : en faisant ressortir l’esprit de justice qui animait les nouvelles administrations du Sud, en annonçant l’observation fidèle de toutes les lois rendues par le congrès pour consacrer les droits civils et politiques des affranchis, en protestant solennellement de respect des hommes du Sud pour les faits accomplis et pour la législation qui a sanctionné ces faits, M. Wade Hampton donnait aux républicains modérés, au nom de ses compatriotes, toutes les assurances et tous les gages qu’on pouvait exiger de gens d’honneur. C’est ainsi que ce discours fut interprété ; il fut considéré comme un appel à la concorde et à l’oubli définitif des lattes du passé. Tandis que le voyage de M. Hayes dans la vallée du Mississipi et son retour par les états riverains de l’Atlantique n’étaient qu’une suite d’ovations, les conventions ou réunions préparatoires, convoquées par le parti républicain dans l’Ohio, le Minnesota, la Pensylvanie, le New-Jersey, le Massachusetts, pour faire choix des candidats que le parti devait soutenir aux élections d’automne, votaient des résolutions approbatives de la politique du président.

L’harmonie était loin de se rétablir au sein du parti républicain I le résultat des élections d’automne ne fit qu’ajouter aux griefs des mécontens. Non-seulement les démocrates reconquirent leur ancienne prépondérance dans tous les états du Sud, mais plusieurs états du Centre où Ils avaient échoué l’automne précédent, et notamment les grands états de Pensylvanie et d’Ohio, leur donnèrent l’avantage. Ce dernier coup était le plus sensible : la révolution administrative qui s’opérait dans les états du Sud retirait à une foule d’aventuriers venus du Nord les places dont ils s’étaient emparés ; mais elle était prévue et ne dissipait aucune illusion : la volte-face des grands états da Centre menaçait l’existence même du parti républicain. Au lieu de voir dans ce changement une réaction contre la politique à outrance du général Grant, les meneurs républicains persistaient à ne l’attribuer qu’à l’aveuglement et à la faiblesse de M. Hayes, qui décourageait et désorganisait le