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sagacité. Près d’un an avant la convocation des états-généraux, on y rencontre ce mot de révolution que le duc de Liancourt devait faire retentir pour la première fois aux oreilles de Louis XVI étonné, le matin de la prise de la Bastille :


Il paroît, écrit-il au mois de novembre 1788, que le parlement est décidé à n’enregistrer aucun emprunt sans la promesse des états-généraux, et l’argent devient si nécessaire qu’il est presque certain qu’on mettra dans le préambule qu’on les assemblera dans deux années. Ce grand pas fait, il ne sera plus, je crois, au pouvoir de la cour de suspendre le mouvement des esprits, et les notables, choisis par le roi, sans pouvoir légitime, ont donné cependant assez de preuves de courage pour faire pressentir ce que seront aujourd’hui les états-généraux. Je ne sais si c’est un bien pour cette nation qu’une si grande révolution, mais ce qui est bien remarquable au moins, c’est que cette nation soit la première dans laquelle les finances seront la cause des plus grands événemens et qu’un seul homme (M. de Calonne) aura mis le roi plus dans la dépendance de la nation que toutes les guerres et les malheurs des dernières années de Louis XIV ne l’avoient placé. Il faut avouer aussi que les esprits sont entièrement changés. Les philosophes les ont animés, mais, plus que tout, l’inconsidération dans laquelle les ministres du roi l’ont fait tomber a inspiré à tous ses sujets un courage fondé sur l’opinion de sa faiblesse. Dans le moment présent, il me semble que toute l’Europe doit bien vivement s’intéresser aux événemens qui se passeront en France dans cette année, car la constitution politique de ce royaume doit influer sur ses relations politiques.


Lorsque M. de Staël prend ainsi à partie l’homme, qui a fait plus de mal à la monarchie que les guerres et les malheurs de Louis XIV, il n’est pas malaisé de deviner quel est dans sa pensée celui qu’il faudrait lui donner comme successeur et qui pourrait encore tout réparer. Mais cette opinion n’était pas seulement celle du petit groupe qui entourait M. Necker, elle était partagée par la France entière, et jamais Louis XVI n’a mieux répondu au vœu de la nation que le jour où, par l’intermédiaire du comte de Mercy, il fit proposer à M. Necker d’entrer au Contrôle-général. Aussi, dans le nouveau brevet délivré à M. Necker n’est-il plus question de ces restrictions que nous avons remarquées dans le premier, et il semble, au contraire, que, en rédigeant ce brevet, on se soit préoccupé d’accumuler tous les témoignages de confiance :


Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à notre amé et féal le sieur Necker, salut.

La place de contrôleur-général de nos finances dont étoit pourvu le