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session qui doit être la dernière pour la chambre des députés, qui sera aussi la dernière pour une portion du sénat soumise à un prochain renouvellement triennal. Discours et programmes, avec des nuances différentes, avec une mesure diverse d’autorité, ils expriment, les uns et les autres, à peu près les mêmes idées, le même sentiment d’une paix intérieure et extérieure incontestée, de l’affermissement des institutions nouvelles. Ils ont le même accent de satisfaction, de confiance, et le fait est qu’aujourd’hui, à part l’imprévu des crises toujours possibles, en dehors des hostilités absolument irréconciliables, on ne voit pas bien à quels dangers immédiats la république fondée par la constitution aurait à faire face, quels ennemis elle aurait à craindre.

D’un côté, les récentes élections municipales, ces élections mêmes que M. Gambetta appelle « magnifiques, » montrent tout au moins que le radicalisme extrême n’est qu’une minorité turbulente et agitatrice désavouée par l’opinion, et qu’il y a dans la masse du pays une majorité un peu moins, prononcée ou accentuée peut-être qu’on ne le croit, toujours prête néanmoins à se rallier au régime qui existe, qui lui donne l’ordre et la paix. La défaite des radicaux révolutionnaires, des revenans de la commune, c’est le trait caractéristique des dernières élections, municipales, qui sont en cela le signe des dispositions du pays, du courant général des opinions. D’un autre côté, dans le camp opposé, entre les partis conservateurs ouvertement hostiles, le plus remuant, celui qui aurait peut-être pu à l’occasion capter une certaine, popularité démocratique ou rurale, le parti bonapartiste, pour l’appeler par son nom, est visiblement livré à un travail croissant de dissolution. Tant que le prince impérial a vécu, il restait, avec la séduction de sa jeunesse, le dernier-né, le représentant accepté de la dynastie napoléonienne ; sa présence même dans l’exil pouvait contenir les divisions et entretenir les espérances du parti. Depuis que le jeune prince est allé périr dans une obscure échauffourée du Zoulouland, la débandade a commencé dans le parti. L’armée se disperse ou se dissout d’elle-même, faute de chef et de drapeau. Les plus vieux, ceux qui ont servi avec quelque éclat le second empire, s’en vont ou se fatiguent. Les plus jeunes ne savent plus trop où ils en sont, et avant de retrouver l’empire, ils cherchent un empereur à tâtons. Les uns alors prennent leur parti et se replient vers la monarchie ; les autres s’en vont ou reviennent vers la république, puisque le pays semble s’accommoder de la république. Le parti se divise, se disloque, et un des signes les plus récens, les plus curieux de ce travail croissant est certes cette lettre par laquelle un député bonapartiste, M. Dugué de la Fauconnerie, rallié au régime républicain, vient de donner sa démission pour faire ratifier son évolution par les électeurs qui l’ont nommé. L’empire n’est plus un danger, les radicaux ont été vaincus au dernier scrutin ; de ces deux ennemis la république n’a plus guère rien à craindre pour le moment. Des deux côtés