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acquis la conviction qu’après avoir disparu sous les dunes d’Iguidi qui ont envahi son lit, l’Oued-Guir reparaît au-delà dans l’Oued-Ahenet, se joint, en en prenant le nom, à l’Oued-Teghazert[1], indiqué par M. Duveyrier sur sa belle carte du Sahara, et s’en va se perdre dans des marais dont Barth a signalé l’existence près du coude septentrional du Niger. Cette découverte, si elle se vérifie, ferait de l’Oued-Guir un affluent du grand fleuve soudanien, dont le vaste bassin serait agrandi vers le nord jusqu’aux montagnes de l’Atlas. M. Sabatier a recueilli assez de détails pour avoir pu essayer une description de cette intéressante vallée. Il n’en a point obtenu sur l’origine du Teghazert, mais depuis qu’il a composé son mémoire, nous avons su par M. le colonel Flatters que l’Oued-Teghazert qui sort du plateau de Mouydir, présente près de sa source cette particularité, remarquable pour des Sahariens, d’un ruisseau d’eau vive coulant à ciel ouvert pendant quelques kilomètres. Après s’être dirigé vers l’ouest jusqu’aux environs d’In-Zize, où il rencontre l’Oued-Ahenet, le Teghazert se détourne vers le sud dans la direction du Niger. L’eau n’est pas apparente dans son cours supérieur, si ce n’est en temps de pluie, mais il suffit de creuser un peu dans son lit pour la trouver douce et abondante. Des cultures importantes y seraient possibles, n’étaient la violence et la fréquence des orages. « Les grêlons sont tellement gros, disait un des informateurs de M. Sabatier, qu’ils tuent des gazelles et des moutons, et chaque fois la rivière charrie des animaux tués. Dans ces circonstances, l’oued devient très fort, et on reste parfois plusieurs jouis sans pouvoir le traverser. » Les pâturages sont très beaux dans le voisinage après les pluies, et les lions, les sangliers, les gazelles, les mouflons, les antilopes et les autruches y trouvent une abondance attestée par la facilité avec laquelle ils s’y multiplient. A mesure qu’il descend vers le sud, le Teghazert reçoit, surtout des montagnes du Hoggar, de nombreux affluens ; il grossit et garde plus longtemps un courant apparent : il coule pendant toute la saison des pluies. Dans son cours moyen apparaissent de véritables forêts peuplées de bêtes sauvages, parmi lesquelles l’éléphant, dont la présence ne peut s’expliquer que par l’existence d’eaux permanentes ; les pâturages deviennent plus vastes, et les possesseurs du pays, les Touareg Aouliminden, y élèvent d’innombrables troupeaux de bœufs, de moutons, de chèvres et de chameaux. Enfin, plus bas encore, on entre dans la région des pluies tropicales, la végétation est de plus en plus puissante, les forêts sont de plus en plus étendues ; on

  1. Teghazert, Tirejert, Tireschirt, Tirehert, Tireghart, sont un seul et même nom berbère, qui veut dire ruisseau.