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improbable où on ne le prolongerait pas plus loin, le commerce assez important auquel te Touat a servi de tout temps de lieu de transit entre le Maroc et Tripoli, d’une part, et le Soudan, de l’autre.

Le tracé occidental du Traassaharien se rattacherait à Magenta au réseau algérien déjà existant, traverserait les hauts plateaux au milieu des plus beaux champs d’alfa qu’il y ait en Algérie, côtoierait l’immense plaine de Tamlett, que la colonne de Wimpfen trouva couverte d’un incomparable tapis de fleurs et dont les cultures des Beni-Guill et des Douï-Menia indiquent quel serait l’avenir entre les mains de la colonisation européenne, — toucherait à Figuig, l’oasis semblable à une ville du moyen âge avec ses onze ksours[1] reliés par une muraille flanquée de tours rondes, — suivrait le cours de l’Oued-Sousfana, et gagnerait le Touat à travers une véritable forêt de palmiers. « Depuis Figuig jusqu’au point où il se perd, dit M. de Colomb, l’Oued-Messaoura est rempli d’oasis et de ksours qui s’élèvent surtout sur la rive gauche ; on ne perd pour ainsi dire pas de vue les palmiers et les hommes. Les caravanes trouvent de l’eau à chaque étape, elles marchent toujours, comme disent les Arabes, dans el amara, c’est-à-dire le plein, l’opposé de el khela, le vide, le désert. C’est un long trait d’union composé d’eau, de palmiers, d’habitations humaines entre les rives de la Méditerranée et le groupe le plus important des oasis sahariennes, que partout ailleurs sépare une large barrière de sables brûlans. » Rohlfs, dans les notes qu’il prenait au moment où il allait atteindre Karsaz, confirme ainsi ces renseignemens : « Quant au lit de l’Oued-Saoura, il est envahi par les palmiers plutôt que par l’eau ; aussi l’appelle-t-on, du moins dans cette partie de son cours, Rhaba, la forêt. » M. Pouyanne propose une variante qui, s’inclinant vers l’ouest à Tiout seulement, ne gagnerait la vallée du Sousfana qu’au-dessous de Figuig. Le premier tracé paraît préférable. Quel que soit celui qu’on adoptera, comme on disposera de plus de 5 degrés de latitude pour descendre de 700 mètres environ, la pente sera nulle, et, la traversée des areg, s’opérant par la vallée de l’oued, se fera sans qu’on ait aucune dune à franchir.

Quelle est la nature du pays entre le Touat et le Niger ? Sur la foi de quelques itinéraires fournis par des indigènes, on le considérait généralement comme fort désolé. Un mémoire soumis par M. Sabatier à la commission supérieure est venu ébranler cette croyance. Procédant au-delà de Touat comme il avait procédé en deçà, M. Sabatier a recueilli les témoignages de divers indigènes, arabes, touaregs et nègres, qui ont visité cette région, et il a

  1. Ksar, pluriel ksour, centre de population fortifié dans le désert, où le moindre village est du reste protégé par un mur.