Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 43.djvu/687

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fer de Vera-Cruz à la Soledad. Le mécanicien, ayant donné un coup de sifflet d’alarme, avait été tué immédiatement. Le commandant Friquet, un garde d’artillerie et six autres militaires français, qui se trouvaient dans le train, non-seulement avaient été massacrés, mais coupés par morceaux et honteusement mutilés. Les autres voyageurs avaient simplement été rançonnés et quelques femmes enfermées à part pendant deux heures sans qu’on pût savoir, du moins par elles, ce qui leur était arrivé. Cela s’était fait au nom de la liberté, et le sens moral était tellement nul dans le pays, ou la haine contre nous si forte, que les habitans de Vera-Cruz s’enorgueillissaient tout haut de ce massacre et d’avoir eu pour l’accomplir d’aussi vaillans compatriotes. Le commandant Cloué avait aussitôt envoyé quelques hommes, mais l’endroit du crime était désert. Le lendemain matin, le commandant de la Soledad avait mis en campagne quarante Égyptiens et vingt Mexicains à cheval, mais avait inutilement atteint l’ennemi, qui s’était enfui. Là encore, sans qu’on pût faire de prisonniers, on avait eu un caporal des sapeurs du génie tué et sept hommes blessés. Trois jours plus tard, comme pour nous braver ou recueillir les applaudissemens des habitans de Vera-Cruz, une troupe de cinquante hommes à cheval était venue camper et déjeuner derrière les dunes de sable au nord-ouest et à une ou deux lieues à peu près de la ville. Ils voulaient sans doute, une fois les portes fermées, tenter comme ils l’avaient fait l’année précédente dans la nuit du 20 au 21 août, un coup de main sur le village qui est autour de la promenade. La pluie toutefois avait suffi à disperser ces libéraux. D’ordinaire, en effet, ils ne faisaient rien par la pluie parce qu’ils avaient peur d’attraper la fièvre, qu’ils n’aimaient pas plus que les balles de nos soldats. Depuis le 7, les trains étaient escortés, mais le directeur de la compagnie craignait, si on ne faisait pas une campagne sérieuse contre ces bandes, de n’avoir plus d’employés, car les libéraux avaient menacé ceux-ci de les fusiller s’ils les retrouvaient sur le chemin de fer. Ils avaient annoncé en outre qu’ils feraient dérailler et attaqueraient le convoi tous les jours.

L’horrible massacre du 7 octobre provoqua un décret de Maximilien, mettant hors la loi tous ceux qui dorénavant seraient pris les armes à la main. Le général Alejandro Garcia, chef des libéraux du Sud, y répondit en souverain par un décret semblable. Mais ce qui donna à ces deux décrets, qui eussent été assez inoffensifs entre Mexicains, une véritable et terrible portée, ce fut la circulaire du 11 octobre du maréchal Bazaine. Le maréchal rappelait à l’armée que, le 18 juin, Ortéaga en prenant Druapan avait fait impitoyablement garder à vue le commandant Lemus ; que, le 17 juillet, Antonio Perez assassinait de sa propre main le capitaine comte Kurzech