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Employés, comme nous l’avons vu, par ordre du maréchal aux mouvemens des troupes, fussent restés si longtemps au Mexique. L’Adonis restait presque seul pour ravitailler les différens points de la côte, et le commandant de la division pouvait craindre de se voir, faute6de moyens, réduit à l’immobilité. Il avait à se plaindre aussi du personnel qu’on lui envoyait. Les divisions des ports ne regardant pas comme une faveur à faire à leurs hommes de les expédier au Mexique, ou ne voulant pas s’affaiblir, désignaient des détache-mens arrivant sur d’autres navires de la Cochinchine ou du Sénégal. C’étaient autant de non-valeurs, car la fièvre contractée dans l’extrême Orient ou en Afrique, disparue ou à demi guérie en France, reparaissait au Mexique chez ces hommes affaiblis que leur courage était impuissant à soutenir et que leurs forces trahissaient. Ce n’était pas la division navale, c’était l’hôpital qui se recrutait ainsi. La pénurie du charbon était aussi extrême. La consommation, qui avait été calculée à 4,000 tonneaux par mois, s’élevait au double. En même temps qu’on en demandait de tous côtés et qu’il n’en arrivait encore d’aucun, la marine se voyait forcée d’en refuser à la ville pour son gaz et au chemin de fer, qui lui en devaient déjà chacun 250 tonneaux. Ces détails caractérisent une situation avec ses ennuis et ses côtés douloureux.

Les événemens du Nord attiraient, nous l’avons dit, l’attention du maréchal, et ils n’étaient pas sans une certaine gravité de perspective. Un accident inattendu avait précipité la paix, que dès le mois de juin on supposait prochaine entre les confédérés et les fédéraux. Les confédérés de Brownsville s’étaient soulevés, faute de solde, paraît-il, et, après s’être emparés de quelques marchandises qu’ils avaient vendues, s’étaient dispersés. Les fédéraux de Brazos étaient alors entrés sans coup férir à Brownsville, s’y étaient solidement établis, et leur nombre augmentait chaque jour. On disait même qu’il devait leur arriver continuellement de nouvelles troupes jusqu’à ce que l’effectif de quarante mille hommes fut atteint. Les fédéraux allaient faire construire une grande caserne à la bouche du fleuve, en face de Bagdad, et faisaient acheter pour cela une quantité considérable de bois. Le bruit courait qu’Ortéga et Doblado ne tarderaient pas à venir à Brownsville et que les Américains appuieraient le mouvement d’un corps de flibustiers qui projetaient de s’emparer de Matamoros et de Bagdad. Les commerçans de ces deux villes émigraient en masse et allaient pour la plupart à la Nouvelle-Orléans. Il semblait évident que la paix conclue aux États-Unis devait mettre fin à cette prospérité factice de Matamoros, qui n’avait d’autre raison d’être que le commerce du coton plus facile à faire désormais ailleurs qu’au Rio-Grande. De plus, un si grand rassemblement de troupes ne s’expliquait que