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résumait dans ces deux mots : désordre et concussion. Le luxe d’employés dont on eût pu supprimer le plus grand nombre était extrême, et les plus payés étaient naturellement les plus incapables et les moins sûrs. Le lieutenant de vaisseau Détroyat, chargé de la direction générale de la marine, se voyait obligé de payer tes préfets maritimes d’une marine qui n’avait que deux vapeurs nolisés par l’état et trois canots à la Vera-Cruz. Quelques petits bâtimens eussent été cependant de la plus grande utilité pour surveiller en deçà de leurs brisans les barres de Cazones près de Tuspan, de Jésus et Soto-la-Marina, entre Tuspan et Matamoros, par lesquelles on pouvait facilement introduire de la contrebande de guerre, et pour établir à Matamoros même des communications entre cette ville et Bagdad. Le seul nom de l’inscription maritime qu’il était question d’installer dans des limites fort restreintes faisait fuir à l’intérieur les hommes du littoral. Les capitaines de port, très bien appointés, prélevaient d’une façon scandaleuse une large part sur les salaires des pilotes, que s’adjugeait déjà presque en entier par des manœuvres aussi coupables le pilote major. Dans le département des postes, pour citer un autre exemple, le directeur de Tuspan avait 45 piastres par mois et tant pour 100 sur la recette. Deux autres employés touchaient chacun 40 piastres, et il y avait à peine à Tuspan quelques lettres, toujours distribuées en retard. Quant au désordre de l’administration, pour ne citer qu’un seul fait, on avait choisi pour un établissement de condamnés l’île de Berrauja, au nord-ouest de Sisal, dans le golfe. L’inconvénient était que cette île n’existe pas. À l’endroit qui lui est assigné sur les cartes, on file 200 mètres de ligne sans trouver fond. Ce pénitencier eût été nécessaire pour évacuer les condamnés du fort Saint-Jean-d’Ulloa. Le commandant Cloué avait proposé l’île Perès-aux-Alacraus, ayant à proximité un excellent port. Il eût fallu, il est vrai, un baraquement et une machine à recueillir la pluie, car, comme sur presque toute la côte du Mexique, il ne s’y rencontre pas d’eau potable. On n’avait pas répondu au commandant Cloué.

La marine avait également sa part de difficultés et de gêne. Elle continuait à n’avoir à sa disposition qu’un nombre insuffisant de navires. Lorsqu’il s’était agi de surveiller sérieusement le débarquement possible, imminent, disait-on, d’armes et de flibustiers sur tout point de la côte, le ministre avait annoncé deux avisos, le Tartare et l’Achéron, et une canonnière, la Diligente. Il avait même promis une autre canonnière pour remplacer la Tempête, qui allait être démolie. Or l’Achéron, arrivé de la Martinique, venait d’y être renvoyé. Il n’était plus question de remplacer la Tempête, et le Tartare non plus que la Diligente ne paraissaient. En revanche, le ministère s’étonnait que le Tarn et le Var,